Le goût du code dès l’enfance

Amélia Matar, entrepreneure.
C’est un duo féminin qui est à la tête de Colori. Perrine et Amelia ont fondé ensemble cette startup qui permet aux enfants d’apprendre à coder sans écran. Objectif : leur donner les outils nécessaires pour grandir dans le monde d’aujourd’hui. A l’âge où les enfants sont de véritables éponges, les 2 complices les arment pour le futur par le jeu.
Amélia Matar s’est confiée à Visible.

Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 23/05/2022

Quand on a un papa geek on est plongé de fait dans le bain de la tech : c’est ce qui s‘est passé pour Amelia.”Quand j’étais petite, il était technicien, il ouvrait toutes sortes d’appareils et il me permettait d’aller souder les composants. Donc petite, moi je faisais de la soudure et donc je pense que ça vient de là.” Sans le savoir, l’ADN de Colori sommeillait en elle. Et quand on lui demande comment elle définirait son travail : son sourire se dessine sur son visage, ses boucles s’animent, et elle se lance.   

“C’est une méthode qui permet d’initier les enfants au numérique, à la technologie, mais sans aucun écran,”

Pour ça, rien de tel pour les intéresser que de passer  par le jeu et par les histoires : 

“d’abord, on s’appuie sur un conte, sur une narration qui met en scène un petit garçon et une petite fille qui vivent des tas d’aventures autour du numérique et au gré de chaque chapitre, on va distiller les grands concepts informatiques.

Chapitre 1 les algorithmes, chapitre 2 le système binaire, on va jusqu’à parler d’intelligence artificielle aux enfants via cette narration et à partir de chaque chapitre, on va ensuite proposer des activités de manipulation. Ils vont pouvoir faire des quadrillages composés de 1 et de 0 pour appréhender le 1 et le 0 qui sont vraiment la base du développement informatique.”


Et pour ça, pas besoin d’avoir les bases car même les tout petits peuvent apprendre les rudiments. Amelia détaille “Ils vont faire des collages, des découpages, des coloriages qui leur permettent d’entrer dans le sujet de la tech de manière très douce et sans écran.”

Mais la mission de la jeune femme ne s’arrête pas là. Engagée aux côtés des digital ladies, elle veut aussi combattre les stéréotypes et permettre aux petites filles d’avoir les mêmes chances de faire carrière dans la tech que les petits garçons.

Or en l’état la mission s’annonce ardue.

“ A deux ans, un enfant sait déjà s’identifier en tant que petite fille ou petit garçon. Une étude parue dans “Science” en 2017, montre que les petites filles à six ans se considèrent déjà moins intelligentes que les petits garçons.Ce qu’on sait aussi c’est qu’une introduction précoce des sciences et notamment du numérique déconnecté permet aux petites filles de développer des vocations pour ces sujets par rapport à des groupes témoins qui n’ont pas eu accès à des ateliers de ce genre là.

Clairement, les petites filles ont une appétence beaucoup plus forte pour le sujet de la tech à l’issue de ces ateliers et on parle de petites filles de cinq ans dans l’expérience à laquelle je pense.” 

Alors pour aider les filles à rétablir l’équilibre, elle s’emploie avec Perrine à mettre dans leurs mains et dans leurs têtes les bases du codage. Une mission d’autant plus cruciale que les métiers de demain vont tous faire appel à la tech. Impossible donc de faire sans. 

“La justice, la médecine, nos façons de communiquer sont aujourd’hui façonnées par la technologie et donc ça pose quand même question que cette technologie ne soit conçue que par des hommes.”


Et quand il s’agit de  defendre les filles  cette jeune maman de 2 enfants  a des arguments : “L’autre sujet qui me paraît très important, c’est qu’aujourd’hui, on le sait, les métiers tech sont des métiers très émancipateurs d’un point de vue économique. Or, quand on parle d’indépendance et d’égalité femmes/hommes, l’indépendance économique est primordiale et c’est vraiment quelque chose de central

Quand on souhaite que les femmes puissent avoir leur place dans la société. Et enfin, la dernière chose qui me paraît vraiment essentielle par rapport à la place des femmes dans la tech et on ne le dit pas assez, c’est que ce sont des métiers qui sont hyper intéressants. Donc non seulement les femmes vont pouvoir s’émanciper économiquement mais en plus elles vont pouvoir exercer des fonctions qui sont hyper stimulantes, qui permettent de prendre part véritablement aux grands enjeux de notre société.” 

CQFD. Amelia a déjà convaincu de nombreuses villes de la suivre dans l’aventure. Son ambition est aujourd’hui d’arriver à former un million d’enfants. C’est la raison pour laquelle Colori vient lever des fonds pour accélérer. Selon La fondatrice de Colori les jeunes générations de femmes n’ont pas le choix : 

“Aujourd’hui, la tech est absolument dans tous les métiers et au cœur de tous les métiers donc c’est hyper intéressant. Il y a un sujet dont on parle peu, c’est l’éducation des garçons. Parce que finalement l’inégalité existe, parce que voilà, il y a un phénomène d’accaparation. “

Mais Amelia sait aussi que rien n’est possible sans des alliés masculins : 

“J’admire et je suis surtout très reconnaissante des hommes que je croise et qui se saisissent de ce sujet, qui se sentent concernés.

Souvent ce sont des papas, mais ça peut être aussi des maris, des frères qui se disent mais c’est pas normal, ma sœur, ma femme, ma fille est talentueuse, pourquoi est ce qu’elle n’a pas accès aux mêmes choses que n’importe qui d’autre que n’importe quel homme et qui du coup militent, mettent en place des actions en faveur des femmes. Et je pense qu’on a vraiment, vraiment besoin que les hommes se mobilisent pour que les choses évoluent beaucoup plus vite.”

Et pour passer à la vitesse supérieure Colori a pris les devants et forme des générations d‘enfants à penser  en mode binaire : que ce soit 0 et 1 ou garcon ET filles.

Raphaëlle Duchemin

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