Une femme évêque, l’Eglise est-elle prête ?
Théologienne et catholique pratiquante, une réforme en profondeur lui apparaît comme une nécessité vitale pour l’avenir de l’Eglise. Anne Soupa est la première femme à s’être portée candidate à la fonction d’évêque. Quelles sont ses motivations, pourquoi un regard critique sur les monothéismes ? Ses réponses ici pour Visible.
Propos recueillis par Florence Dauchez
FD : – Vous menez depuis quelques années un combat contre la prédominance masculine dans l’Eglise. Qu’est ce qui est ne jeu ?
AS : – Je voulais vraiment être évêque, je crois que je suis faite pour le job ! Sans les femmes, sans l’introduction des femmes dans l’Eglise, alors l’Eglise mourra.
Je suis catholique pratiquante mais je le dis sans honte, il m’arrive assez souvent de ne pas aller à la messe le dimanche parce que la messe m’ennuie.
C’est un étalage masculin. Je ne vois aucune de mes consœurs devant l’autel et à partir du moment où je m’en suis rendue compte, ça m’a énormément pesé, bloquée même et je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à regarder cet aréopage masculin qui occupe la scène. Parce que souvent il y a quelque chose de théâtral et je n’en peux plus.
FD :- Espériez-vous une réponse officielle à votre candidature à l’archevêché de Lyon ? Vous saviez que c’était impossible.
AS :- Quand j’ai candidaté, il y a eu une pétition lancée pour me soutenir. Elle a reçu 18.000 noms. Je n’ai eu aucune réaction à ma candidature. Je l’ai pourtant envoyée en même temps à la presse et au Nonce, le Nonce étant l’ambassadeur du Vatican à Paris. Le Nonce n’a pas répondu, les évêques n’ont pas plus commenté. Or ils n’avaient pas à répondre mais ils auraient pu commenter.
Que l’on ne me réponde pas, cela peut signifier deux choses.
« Oh, ces bonnes femmes, il n’y a qu’à les laisser se calmer, c’est un feu de paille »,
Ou bien, ça peut vouloir dire : « Mais qu’est-ce qu’on va bien lui répondre, quels sont nos arguments ? »
Et les arguments, ils ne pèsent pas lourds.
FD :- A quel moment interviennent cette défiance, ce rejet de l’institution?
AS :- Ma prise de conscience est antérieure, je crois qu’elle date de l’année 2008 quand j’ai entendu le Cardinal Archevêque de Paris dire à propos des femmes :
« Il ne suffit pas d’avoir une jupe, encore faut-il avoir quelque chose dans la tête. »
Et là, la misogynie du clergé que je connaissais mais qui jusque-là ne m’avait pas gênée m’a soufflée. Quand cette parole du Cardinal a surgit sur les ondes, quand je l’ai entendu deux semaines plus tard, là, je me suis dit qu’un point de non-retour avait été franchi et que ce n’était pas possible.
FD : – Vous avez engagé des cycles de rencontre avec des femmes rabbins et Imams, c’est à dire relevant de religions monothéistes. Sont-elles convaincues comme vous du besoin de réforme ?
AS : – Tous les monothéismes ont un problème avec les femmes. Est-ce que c’est simplement parce que les religions sont par nature conservatrices et qu’elles continuent à appliquer un système patriarcal qui n’existe plus dans la société ? C’est une très bonne raison !
Mais le clergé dans les trois religions a été de domination très masculine. Et il y a une sorte de dérive catastrophique qui serait de faire de Dieu un être mâle. Il faut lutter de manière extrêmement forte contre cette dérive : Dieu est au delà des sexes, on ne peut pas assigner Dieu aux sexe féminin ou masculin. A partir du moment où ils se sont laissés aller à cette dérive, ils trouvent normal que les clercs soient tous des hommes. Donc oui il y a une convergence à avoir.
Dans l’association dont je m’occupe, qui s’appelle le comité de la jupe, nous avons engagé beaucoup de soirées communes avec des femmes imams et des femmes rabbins. Nous avons discuté ensemble des moyens d’agir pour que la question de la non-discrimination soit prise en compte.
Il faut le dire, les organismes internationaux, l’ONU, la cour européenne des droits de l’Homme ont réfléchi à ces questions et considèrent que les droits de l’Humain devraient s’imposer aux religions, que ce n’est même pas discutable. Ce n’est pas une disposition qui relève de la liberté religieuse, c’est une disposition supérieure qui doit s’imposer à tout le monde, religions comprises.