Répondre à chaque tentative de déstabilisation
Barbara Frugier est Conseillère en communication auprès du Secrétaire général de la présidence française de l’UE, Clément Beaune, Cheffe du Pôle communication Europe 2022.
Interview par Florence Dauchez
Publié le 20 janvier 2022
FD : Votre parcours a débuté par une situation que l’on qualifierait volontiers de discriminatoire. Aujourd’hui, vous souhaitez la révéler.
BF : Je m’en souviens et m’en souviendrai toute ma vie. Lors d’un entretien de recrutement, j’ai un peu moins de 25 ans, je passe me trouve devant une RH. Au cours de l’entretien, d’un coup, elle me dit : « Est-ce que vous ne sentez pas en décalage par rapport à vos origines sociales ? »
On ne m’avait jamais posé ce type de question, c’était à la fois étonnant et dans le même temps cela représentait une forme d’humiliation que de devoir entrer dans l’explication de texte d’où l’on vient. Alors que mon histoire de vie est une immense fierté. Je ne me suis pas laissée faire à l’époque mais je crois que j’aurais carrément dû aller plus loin dans le refus de répondre.
Longtemps je me suis interrogée, j’ai cherché à savoir si j’avais livré des éléments dans mon récit d’étudiante, comme le fait que j’étais une jeune élève boursière. Quoiqu’il en soit, j’ai vécu cette question comme une forme de condescendance très violente de la part de cette femme. On ne doit jamais tolérer ce genre de phrases.
FD : D’autant que votre famille vous inspire beaucoup de fierté…
BF : Je suis née à Arles dans les années 70, j’y ai grandi jusqu’à l’âge de 18 ans. Je suis d’une famille de classe modeste, moyenne. Mon père était employé de banque, Maman assistante médicale. Il y avait beaucoup d’émulation dans ma famille, j’étais également portée par ma mère pour être une jeune fille indépendante. Elle m’a énormément encouragée sur cet aspect. Et aussi, je m’intéressais aux sujets politiques, à l’actualité internationale, je détestais être avec les enfants à table, je voulais être avec les adultes. Cela a influencé mon parcours et renforcé mon appétit pour les sujets internationaux et politiques. Au lycée, j’ai fait une terminale B, mon professeur d’économie m’a parlé de l’existence d’un institut de sciences politiques. A l’époque, je voulais devenir commissaire-priseur, j’étais donc inscrite à Aix-en-Provence en droit et Histoire de l’art. Mais il y a eu l’intervention de ce professeur me parlant de cette possibilité que je ne connaissais pas du tout. Souvenons-nous, à ce moment, il n’y avait pas Internet et pas de réseaux sociaux, l’information sur l’orientation scolaire était assez limitée sinon un centre d’information et d’orientation pour les élèves. J’ai décidé de travailler l’été pour payer l’école préparatoire, j’ai passé ce concours de Sciences politiques à Aix, que j’ai réussi et j’ai intégré.
FD : L’un des grands épisodes de votre vie professionnelle, vous l’avez vécu pendant la campagne d’Emmanuel Macron à laquelle vous avez activement participé. Quel souvenir personnel fort avez-vous conservé ?
BF : J’ai vécu une aventure extraordinaire, nous avons beaucoup accompagné la campagne d’Emmanuel Macron. J’étais en charge de ses relations internationales. Le jour où il est élu à la présidence de la République, s’ouvre une phase de transition entre les équipes du président Hollande et les équipes du président Macron. Voilà que je me retrouve dans cette espace qui est l’Élysée, qui est vide puisque les collaborateurs sont partis. Je suis seule donc je visite le lieu. C’est un moment très émouvant. J’ar dans une petite salle, une salle de réunion, il y avait personne et je me suis mise à pleurer. Parce que j’ai pensé à mes grands-parents tant paternels que maternels, j’ai pensé à ma grand-mère espagnole qui ne savait ni lire ni écrire quand elle est arrivée en France, j’ai pensé à ma mère qui ne savait pas non plus alors, j’ai pensé à toutes ces difficultés des personnes qui m’ont entourée. Et puis j’avais une immense conscience que si on était là, c’était aussi du fait du vote des Français. Même ceux qui n’avaient pas voté pour Emmanuel Macron à ce moment-là, il avait une conscience que nous avions une mission de service public et d’accompagnement pour le Président.
FD : Un autre chapitre de votre vie professionnelle s’est ouvert. Pour celles et ceux qui ne connaissent la vie en cabinet, pouvez-vous nous parler de ses exigences ?
BF : J’ai toujours dit que quand on est en cabinet, oui on est pas là pour compter ses heures, on est toujours très disponible, complètement joignable H 24, sept jours sur sept et cela fait partie de la mission. Au tout début quand j’étais à L’Élysée, il y a eu un attentat en Angleterre. Pendant presque 72 heures nous sommes restés actifs, à quasiment ne pas dormir parce qu’il fallait rester en relation avec les équipes, obtenir de la restitution d’information et d’éléments de communication.
L’exigence est telle qu’il est essentiel de se ménager des aires où on souffle. J’ai toujours eu très conscience d’où je venais, c’est quelque chose de très important pour moi cette relation avec la famille et mes proches mes amis. Ma famille ne vit pas à Paris, j’ai toujours eu des amis qui ont été gentils, très proches de moi toujours, très présents. Leur soutien dans les moments difficiles auxquels on peut être confrontés, quand ils expriment leur part d’humanité, c’est ce qui fait qu’on se maintient, bien entendu.