Il faut oser demander des augmentations

Christine Jacglin, banquière.

« Je me suis rendu compte que dans la banque où je travaillais, je gagnais 30% de moins que l’un de mes camarades qui était entré à l’inspection la même année que moi, qui avait effectué le même parcours.»

Christine Jacglin
Banquière depuis 34 ans, Christine Jacglin, a su faire preuve d’audace pour faire tomber les stéréotypes de genre et gravir les échelons de l’entreprise. Alors qu’elle s’apprête à prendre la responsabilité de l’Inspection générale du groupe des Banques Populaires, elle est aussi déterminée à servir la cause des femmes.

Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 7 décembre 2021

À observer Christine Jacglin, élégante, distinguée et sûre d’elle, on pourrait la croire issue d’un milieu ultra privilégié. C’est loin d’être le cas. 

Dans sa famille, les femmes ont toujours travaillé. C’était le cas de ses deux grands-mères : l’une était paysanne, l’autre tricotait des chaussettes dans une usine. C’était aussi le cas de sa mère, institutrice. Dès le plus jeune âge, Christine Jacglin comprend que pour être indépendante, il faut travailler. 

Auprès de ses parents enseignants, coopérants au Maroc après la décolonisation, elle développe une sensibilité pour l’intérêt général et le service public. Elle structure donc ses études pour tenter L’ENA : « Je l’ai raté deux fois et à un moment, il fallait chercher du travail. Je n’avais pas l’intention de rentrer dans la fonction publique par la petite porte. C’était L’ENA ou rien. Du coup, ça a été le secteur privé et la banque. »

Elle rejoint donc le département inspection générale des Banques Populaires et se prend de passion pour son métier : « Je ne vois pas la banque comme de la pure finance. C’est de la finance au service d’emplois, de territoires, d’entreprises, de clients particuliers, de projets. »

À son arrivée dans l’entreprise, elle est néanmoins frappée de constater que, si certains postes de direction sont occupés par des femmes au siège de l’entreprise, il n’existe aucune femme dirigeante dans les banques régionales. 

Mais elle n’est pas au bout de ses surprises. À l’inspection générale, Christine Jacglin côtoie très vite des dirigeants et imagine qu’elle sera un jour capable de faire aussi bien qu’eux : « Je m’étais dit naïvement en sortant de l’école -on est parmi les premières générations à parité en sortie d’école- c’est normal, la carrière des femmes va prendre son envol et on va pouvoir petit à petit occuper des places. En fait, je me suis aperçue que quelques décennies plus tard, ce n’était pas le cas. À tel point que, au début des années 2000, je me suis rendu compte que dans la banque où je travaillais, je gagnais 30% de moins qu’un de mes camarades qui était entré à l’inspection la même année que moi, qui avait eu le même parcours. Je suis allée voir mon patron pour lui dire que je ne comprenais pas. J’ai eu la chance d’avoir un patron qui a écouté et qui a compensé. Mais je me suis aperçue que si je n’avais rien demandé, je n’aurais pas eu. »

Dans les banques qu’elle dirige, Christine Jacglin s’investit donc pour que les femmes n’aient plus à subir ce type de situation :

« J’ai souvent mis en place du mentoring pour aider les femmes à demander. Mes DRH me disaient alors qu’il fallait arrêter parce qu’elles venaient ensuite réclamer. Et je leur répondais que, oui, c’était bien de réclamer des augmentations, qu’il le fallait. » 

Forte du chemin parcouru, Christine Jacglin estime que les femmes doivent suivre trois conseils :

« D’abord, quand vous êtes ambitieuse et que vous avez envie d’avoir des responsabilités et des jobs importants, il faut que les choses soient dites et assumées en famille. Pouvoir exercer deux carrières de très haut niveau, c’est très rare et c’est quasi impossible. Moi, je l’ai vu d’ailleurs dans beaucoup de grands groupes, derrière des hommes qui réussissent, il y a souvent leur compagne ou leur compagnon. Et derrière une femme qui réussit, il y a aussi un conjoint qui a accompagné. 

Ensuite, ce n’est pas parce qu’on n’a pas 100% des compétences qu’on ne mérite pas le poste. 

Enfin, il faut savoir changer de fonction et prendre des risques. »

Des conseils qu’elle s’est appliquée : elle qui est entrée dans la banque par hasard y est restée depuis par passion. Un engagement qui lui a permis de cocher toutes les cases pour être aujourd’hui tout en haut de l’échelle. 

Être visible Christine Jacglin à très tôt compris qu’il fallait l’être : sur les conseils d’une femme au Medef elle troque les tailleurs gris pour de la couleur.

Aujourd’hui dit elle je suis certaine que sur la photo on ne verra que moi. 

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