Comment devient-on féministe et comment répondre à son engagement quand on réalise que tout le monde y gagnera ? Réponse avec Maxime Ruszniewski et son manuel tout frais à destination des hommes et des femmes aussi mais elles en connaissent déjà beaucoup sur le sujet.
«Il y a beaucoup de gens qui me disent, beaucoup de femmes surtout ‘je laisse tomber la répartition des tâches ménagères parce que ça crée une embrouille avec mon copain, je préfère faire à sa place’. Moi, j’explique que non, la résignation, ça ne doit pas être une option. »
15 février 2022
Interview Florence Dauchez
FD : Comment es-tu devenu féministe ?
MR : Depuis tout petit je me suis senti différent. Je ne correspondais pas finalement à la masculinité telle qu’on me l’avait apprise, à la virilité telle qu’on me l’avait décrite. Et le fait de me sentir un peu à part, d’être de moins en moins choisi dans les cours de récré pour jouer au foot, qu’on me fasse vraiment comprendre que je ne correspondais pas au stéréotype du garçon classique, ça a nourri une sensibilité aux discriminations. Et après, quand j’ai assumé mon homosexualité, je me suis vraiment rendu compte qu’il y avait des passerelles entre le sexisme et l’homophobie qui sont évidentes. Cette manière sans cesse de rabaisser les gens, de leur dire : « tu ne corresponds pas, finalement à l’idée de ce qu’on se fait du pouvoir, de la domination ». C’est toujours les mêmes processus de rabaissement.
FD : Peux-tu nous donner un exemple d’attitude sexiste ?
MR : Un exemple très précis de discrimination, alors même que j’étais au ministère des Droits des Femmes, c’est que les journalistes avec qui je travaillais beaucoup parce que j’étais conseiller en communication, appelaient systématiquement la ministre « Najat », alors qu’ils appellent toujours le président « Hollande » ou le Premier ministre « Valls ». Et c’était systématique, à chaque fois qu’on parlait d’une femme politique, souvent on l’appelait par son prénom. Je remarque que ça a un peu changé, on dit « Hidalgo » maintenant « Taubira ». Mais en tout cas, à l’époque, c’était vraiment une marque de sexisme avéré, y compris dans des journaux qui se disaient féministes.
FD : À qui se destine ton livre ?
MR : Ce livre, ce manuel pratique du féminisme, c’est vraiment, pour moi, un livre à destination de toutes et tous. À tous ces gens qui se disent : « Oui, je suis féministe, mais je n’arrive pas trop à changer les choses au quotidien. Ou je suis chef d’entreprise, qu’est-ce que je peux accomplir comme action ? Ou encore, je suis témoin d’un comportement sexiste, mais je n’ai pas osé réagir. En fait, ce manuel, c’est vraiment des questions-réponses, celles qu’on me pose depuis une dizaine d’années maintenant que je m’engage sur ces questions pour répondre à toutes ces interrogations de manière pratico-pratique. Et surtout, je donne des clés pour que les gens puissent se dire « j’ai des outils pour appliquer l’égalité femme-homme ».
FD : Pourquoi c’est si long de changer ?
Peut-être que justement, on ne parle pas assez de ce sujet de manière positive, or le féminisme c’est un mouvement effectivement très joyeux, parce-que le féminisme permet d’instaurer l’égalité et donc d’améliorer les rapports sociaux, les rapports humains, d’améliorer ce qui se passe dans le couple, d’améliorer ce qui se passe avec les enfants. Si des hommes se disent « tiens, avec le féminisme, je vais perdre des privilèges donc je vais être moins heureux… ». Ce que je leur réponds, c’est que c’est l’inverse.