Résilience, un mot relativement récent pour exprimer la capacité de chacun à dépasser les événements difficiles de la vie.
Cécile Beziat est directrice générale adjointe de Reworld Media. Elle a toujours voulu construire sa route de manière autonome. Sa capacité à prendre des risques vient de son tempérament et aussi d’avoir vécu, traversé très jeune un épisode médical lourd.
Voici son histoire et son approche des situations, par exemple quand il s agit de définir sa valeur et négocier son salaire. Combien je vaux ?
« J’ai commencé à travailler le 2 janvier 2000 et le 27 janvier, on m’a diagnostiqué une maladie de Titine. Tous mes rêves de “Ça y est, je m’assume, j’ai mon propre appartement à Paris, j’ai mon travail et ça y est, je vais pouvoir enfin construire ma vie. Trois semaines plus tard, on me dit que j’ai un cancer stade 4 que je dois entamer une cure de chimiothérapie le lendemain. Et j’avais deux choix : soit me reposer, arrêter de travailler, retourner chez mes parents et puis me faire soigner là-bas. Et mon patron m’a dit, alors que ça faisait trois semaines que je venais de commencer, il m’a dit “écoute, tu fais ce que tu peux et en fonction, on s’adaptera.” Du lundi au jeudi, je travaillais en agence, le vendredi, j’allais faire mes chimios. Une fois que vous traversez ça, après, je pense que vous vous êtes assez, assez préparée pour la suite. »
FD: D’où vient cette ambition d’être très indépendante ?
J’avais mon papa qui était médecin généraliste, une maman, mère au foyer et mes parents ont divorcé quand j’avais 14 ans. Je me suis très tôt rendu compte que, en fait, sa liberté et le fait de se construire en tant que personne de choisir son propre destin, son propre avenir c’était ça le plus important. Et que c’est une espèce de liberté et de valeur, enfin, quelque chose qui m’appartient et jamais au grand jamais je serai dépendante de qui que ce soit. Quand j’ai fini mes études, j’ai identifié assez vite que je voulais travailler dans les médias. À la fin des années 90, justement c’était Internet. Personne ne connaissait, personne ne voulait trop y aller. Et moi, pour le coup, je me suis dit : c’est quelque chose de nouveau sur lequel, à la limite, j’ai envie de me spécialiser. Le digital déjà était un média d’innovation, tous les jours, toutes les semaines, il se passait quelque chose. J’ai créé ma propre société qui a été rachetée. Ensuite, j’ai été appelée par le groupe Au Féminin justement pour les rejoindre et donc j’étais chez eux, j’étais très bien et puis, tout d’un coup, au bout de 4/5 ans, je me suis dit peut-être que j’ai envie de me remettre en danger. J’ai envie de tenter autre chose et du coup j’ai été chassée. Et je me suis dit c’est un super défi, j’ai pas encore 40 ans, j’ai envie d’y aller, de toute façon, au pire, je me plante et au final, si jamais je me plante c’est pas grave. Mais au final j’ai suivi l’instinct qui est souvent de bon conseil et voilà, et j’ai foncé. »
FD: Comment bien négocier son salaire ?
« Je pense qu’on a un petit sujet, nous, les femmes, là-dessus, même si on a beau être très assumées, même si justement on veut être indépendantes et financièrement, bien évidemment, je pense qu’on a du mal à se, effectivement, à évaluer ses compétences et à les mettre en avant pour justement dire voilà, je vaux tant, etc.
Je pense que pour une femme il y a le salaire, qui est quelque chose qui nous permet de vivre tous les mois et d’avoir cette sérénité-là pour une vie quotidienne mais je pense que les femmes n’osent pas non plus demander, quand cela est possible des participations, des actions, en tout cas d’être incentivée au capital de la société. Ça veut dire au final, que quand vous êtes au capital d’une société si elle va bien, et bien vous touchez aussi et en plus du salaire. Donc ça c’est quand même assez intéressant pour les sociétés qui le permettent. Je pense qu’en France aussi il y a cette fameuse, cette fameuse peur de l’échec, du jugement. Quand on se trompe du jugement, quand on échoue, etc. Si on réussissait tout dans la vie, ça serait trop simple et ce n’est pas le cas. »
FD: Votre regard sur les plus jeunes ?
« Je pense que, les jeunes femmes malheureusement, c’est peut être un peu cliché ce que je vais dire, mais elles sont encore dans ce côté-là. Si jamais j’ose, potentiellement j’échoue et si jamais j’échoue, qu’est-ce qu’on va penser penser de moi ? On s’en fiche en fait. Les garçons, ils se posent pas du tout la question. ils foncent et ils voient comment ça se passe. Et nous, quelquefois il nous manque peut-être un peu ce côté, un peu fonceur quelquefois. »
Interview Florence Dauchez
12 septembre 2023