Eka Zguladze, ex Vice-ministre de l’Interieur en Géorgie et Ukraine parle du soutien aux ukrainiens. Elle a choisi d’aider en priorité les enfant avec son association Ukraine Unify
Interview par Florence Dauchez
Publié le 16 mars 2022
Près de deux millions de personnes ont fui l’Ukraine. Savez-vous que la majorité d’entre elles demandent à ne pa être désignées sous le terme de réfugiés ? Elles ne demandent pas le statut d’asile, elles ne demandent pas le statut légal de réfugiés. Elles disent avoir besoin d’un refuge temporaire parce qu’elles repartiront.
C’est incroyable, je n’avais jamais rien vu de tel.
Chaque acte de solidarité ou d’aide est important.
Cette guerre a eu un effet très particulier sur nous tous dans le monde. Elle a rassemblé les ukrainiens comme jamais auparavant. Ceci a donné une totale nouvelle énergie à beaucoup de gens dans le monde, qu’il s’agisse de l’élite politique ou de citoyens ordinaires qui regardent les infos. Cela nous a donné une compréhension de ce qu’est le courage et nous a donné l’envie d’aider autant que nous le pouvons.
Parce que j’ai accès directement au Ministre de la santé, aux services d’urgence ukrainiens, à de nombreux maires des villes assiégées, d’une part et, d’autre part parce que les villes qui accueillent les évacués nous donnent des informations pour organiser le transfert des fonds là où ils auront le plus d’impact. Nous avons identifié les groupes d’enfants, bien sûr, ils sont la priorité, les orphelins, les orphelins de la guerre, les enfants blessés, ou tout autre forme d’enfants vulnérables.
Il est impossible désormais d’envoyer l’aide par avion, tout doit passer par la route. Nous avons décidé d’attribuer les dons sous forme d’argent de façon à ce que les hôpitaux et les orphelinats choisis puissent combler les besoins à la mesure de ce qu’il sont identifié, sous notre contrôle.
Bien sûr, nous contrôlerons, bien sûr il y aura un suivi pour chaque centime.
Au sein du pays, il y a le siège de Marioupol. Sincèrement, sans exagération, on peut le comparer au siège de Léningrad pendant la seconde guerre mondiale. Je n’exagère pas. Nous avons le cas d’un enfant mort de déshydratation, parce que l’eau est coupée. C’est un autre niveau de cruauté dans la guerre. Mais ce qui est frappant, c’est qu’il n’y a pas de panique. Comme je l’ai dit, je parle à des centaines de personnes chaque jour, ou j’envoie des messages par SMS pour savoir si elles sont en vie et elles sont ok.
Et la réponse que je reçois c’est : « Nous faisons ce que nous pouvons. Nous combattons, nous combattrons. Nous ne nous capitulerons pas, ceci n’est pas juste, ceci est cruel, ceci est brutal, nous devons protéger les gens. »
Si ce conflit se dégrade en un conflit figé, cela signifiera que la Russie nourrira de nouvelles ambitions pour répéter ces actes d’agression contre l’Ukraine ou ailleurs.
C’est un fait que nous posons. Donc l’Ukraine ne peut pas perdre cette guerre, elle ne peut pas perdre sur le plan politique parce que cela protège la sécurité de l’occident et la sécurité globale.
Je ne le connais pas personnellement, le mais j’ai rencontré des proches dont M. Lavrov. Dit simplement, ils ne comprennent pas la démocratie, ils ne croient pas à la démocratie libérale.
Ce que le kremlin essaie de faire, c’est de dégager une alternative à la démocratie. Ils l’appellent la démocratie souveraine. En tant que personne issue de deux pays, la Géorgie et l’Ukraine, qui a vu ce que cela signifie, la manière russe de considérer la démocratie libérale et la démocratie souveraine, comme il l’appelle, je peux vous expliquer ce que cela signifie : pas de presse libre, pas de liberté de droits, pas de protection des minorités, pas de prospérité économique, parce que dans les pays où il y a du travail, des voix fortes se font entendre et deviennent dangereuses pour les régimes autoritaires et dictatoriaux en général.
Basiquement, il s’agit de la même approche : le vieil empire russe qui porte juste un autre nom.
Et pour les ukrainiens, c’est deux fois plus difficile parce qu’ils partagent des racines slaves, ils ont des relations bien plus importantes qu’avec tout autre dans cette région. Ils ont de la famille, des amitiés proches, ils ont fréquenté les mêmes universités. Être confrontés à ce genre d’attaques, sur tant de plans, tant de trahisons, et sur la plan humain, il est très difficile pour des personnes ordinaires de passer outre et d’avancer.
Capituler, pour eux n’est pas une option. Et quand je dis capituler, je ne parle pas de territoires, je ne parle pas de politique, je parle de renoncer à qui on est , à son état d’esprit, à son rêve d’une vie meilleure. Personne ne veut devenir un esclave.