Devenir numéro une

Elodie Andriot, autrice de Patronnes

Patronnes est un livre et aussi un manifeste: 52 femmes numéro 1 se livrent sur la manière dont elles ont construit leur parcours. Comment gagner sa place au top niveau dans un environnement majoritairement masculin? Comment rester soi-même, fidèle à ses valeurs dans un contexte qui rarement ouvrait les bras aux femmes? Puissantes, oui,  dans le mental. Et  prêtes à faire le choix de la bagarre. 

 

Interview de Florence Dauchez

Publié le 19 octobre 2022.

FD: – Dans quel état d’esprit étiez-vous après vos entretiens? 
EA: – Certains entretiens, je rentrais chez moi, j’attendais de rentrer chez moi, parfois j’ai un peu pleuré.
Pas parce que c’était trop dur mais parce que c’était une merveilleuse source d’inspiration. Ça a peut-être déclenché chez moi quelque chose. 
j’espère pouvoir déclencher d’autres vocations dans un sens ou dans l’autre.
 
FD: – Il y mille façons de parler des femmes numéro 1, comment avez-vous abordé ce sujet? 
EA: – Patronnes, c’est un livre sur les femmes cheffes d’entreprise, une collection de 52 entretiens avec des patronnes du CAC40 à la start up.
Pourquoi 52 ?Parce qu’on est 52 % de femmes dans la population française, 2,2 millions de plus que les hommes, et j’ai voulu leur donner la parole parce qu’elles sont peu, 
Il n’y a que 7 % de patronnes qui dirigent des grandes entreprises en France.
 
FD: Vous-même, avez-vous des rôles-modèles? 
EA: – J’ai grandi dans un petit village à côté de Lyon, il n’y avait pas de patronnes. Le rôle modèle, c’était le médecin du village, comme souvent, 
peut-être, dans ces patelins.Et j’avais…oui…je n’ ai pas rencontré ma première patronne avant mes 24 ans. 
Elle s’appelait Iris Knobloch, aujourd’hui elle dirige le Festival de Cannes.Donc je me suis dit : “ Ah oui, en fait, moi, plus tard, je faire…je veux devenir elle ! ”
Et je me suis rendu compte de l’importance de ce mimétisme-là.Finalement, tant qu’on ne voit pas ces femmes-là, tant qu’on ne peut pas s’identifier à leur histoire,on ne peut pas se projeter.
Il a fallu se battre aussi pour la diversité, je voulais des femmes de tous les âges, je voulais des femmes de tous les milieux, je voulais aussi une ou plusieurs autodidactes,celles qui n’avaient pas 
fait d’études. C’est un énorme tabou chez ces femmes qui sont souvent surdiplômées, beaucoup plus que les hommes d’ailleurs.
Je voulais des femmes homosexuelles, je voulais des femmes d’origine étrangère, je voulais que chacune et chacun puisse se reconnaître vraiment en un portrait.
 
FD: – Existe t’il une difficulté commune , l’avez-vous repérée?
EA:- La première difficulté qui vous a sauté aux yeux, ce qui ressort en premier, ce sont les injonctions sur la maternité.
J’ai 34 ans, je suis dans cette décennie, la fameuse décennie de la trentaine où généralement les femmes ont des enfants.
Un peu avant, un peu après, aussi.Et c’est une décennie phare et c’est une décennie où comme le disait si bien Sheryl Sandberg,on se met en retrait parfois. 
On se met même en “pré retrait”, les entreprises nous mettent en retrait. 72 % de la charge domestique incombe encore aux femmes.
 
FD: – leur point commun serait? 
EA: – Le premier que je donnerai, c’est qu’elles ont un sacré réseau! Le mot réseau est un mot assez sale en France.
Comment on se constitue un réseau, est-ce que ce n’est pas intéressé?   
Aux Etats-Unis, dans les sociétés de conseil, maintenant on ne fait plus de dîners, on fait uniquement des petits déjeuners à l’ère post-MeToo.
Parce que pour pouvoir inclure les femmes, parce que les déjeuners, c’est quand même un petit peu délicat, Elles ont un sacré réseau qu’elles se sont constitué assez rapidement. 
Elles ont compris ça très rapidement, 
 
FD:- une autre point de force en commun? 
EA: – Toutes celles qui ont evolué dans le monde corporate, à un moment, ont été, soit un rôle de CFO, de directrice financière ou bien de directrice 
des grands comptes. Ce sont des rôles qui permettent d’accéder à ce poste de numéro une ou de numéro un à un moment donné.
 
FD: – Il y a aussi la question de la vie de famille. On en parle? 
EA:- C’est Alexia Laroche-Joubert d’ailleurs qui le disait :“ Il faut arrêter de faire croire aux jeunes filles qu’on peut tout bien faire. “
Et, donc, forcement, il n’y a que 24h dans une journée, si X temps est passé au travail,ça ne sera pas passé ailleurs. 
Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas avoir de moments de qualité avec ses proches, avec ses enfants.

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