Des femmes dans la Tech, on en trouvre si on les cherche !
Visible a rencontré AUDE GUO, ingénieure diplômée de l’École nationale des Ponts et Chaussées, et cofondatrice d’Innovafeed, une entreprise de biotechnologie productrice de nutriments à base d’insectes pour la nutrition animale et la nutrition des sols.
La parité chez Innovafeed a été un des points importants dès votre création?
On entend beaucoup parler de – Ah, mais les femmes prennent moins de risques, elles entreprennent moins parce qu’elles prennent moins de risques, etc. C’est tout le contraire ! La première année, alors qu’on n’avait rien, qu’on n’avait quasiment qu’un concept, une idée, je pense que sur les 10 personnes qui nous ont rejoints et sur des postes clés, il devait y avoir 9 femmes. Et je pense que le fait d’avoir eu des femmes et des femmes, du coup quand on faisait des entretiens, que des candidates voyaient réellement en face d’elles, des femmes, ça nous a beaucoup aidés derrière à attirer beaucoup de talents femmes.
Quand on a essayé de recruter des femmes, on a senti que le côté – Viens, rejoins une entreprise qui est en hyper croissance, on va aller beaucoup plus vite que tous les autres, ça pouvait faire peur et que ça ne marchait pas beaucoup pour attirer. Et on a changé le discours en disant – Voilà ce qu’on essaie de construire, ce n’est pas évident, on a besoin d’aide.
Là, on avait quelque chose de beaucoup plus positif. Les femmes prennent des risques lorsque le sujet est important pour elles et je pense qu’il y a une très forte sensibilité des femmes sur les sujets d’impact.
Se lancer dans les nutriments à base d’insectes, d’où est venue l’idée ?
J’ai fait du conseil avant de créer Innovafeed et, à un moment donné, j’ai eu envie d’être plus actrice du changement. Comment j’ai envie d’utiliser mon énergie, quelle contribution j’avais envie d’amener dans la société et c’était une question, je pense, partagée avec ceux qui sont devenus mes associés. Et on avait envie de le faire sur un sujet qui allait contribuer au défi climatique, je pense, qui est le défi de notre génération.
On a eu une démarche assez analytique et rationnelle de se dire où sont les gros sujets ? Et l’alimentation, on n’ en parle pas suffisamment, mais l’alimentation, c’est un tiers des émissions (de CO2). Et du coup, on s’est posé la question, est-ce que les insectes, ça pourrait pas être une nouvelle source de protéines ?
Ça nécessite peu de ressources pour croître, c’est extrêmement nutritif, si on mettait les deux ensemble, pour produire à grande échelle des insectes et nourrir les animaux.
Vous avez tout de suite détecté une opportunité de marché ?
Le point de départ de tout projet entrepreneurial, c’est, – est-ce que j’ai un marché, est ce que j’ai des clients ? Donc, on a appelé des entreprises qui travaillent dans la nutrition animale, on leur posait la question, – est ce que la protéine d’insectes, ça peut vous intéresser ? La réponse, pour faire simple, c’était, – oui, clairement !
En fait, ce qui nous manque, c’est les volumes ! Septembre 2017, on ouvrait notre première usine à Gouzeaucourt, dans le nord de la France !
Quels sont vos objectifs ?
Notre première cible, c’est de produire une tonne par jour. Donc, 2017, on a eu notre première usine. 2020, on a ouvert notre première grande usine. Donc là, on n’est plus sur une tonne/jour, on est plutôt sur du 100 tonnes/jour. Huit ans après, on est en effet 350 collaborateurs. On a deux usines qui tournent dans le monde et on est en train d’ouvrir d’autres sites. On a un carnet de commandes qui se chiffre, l’ordre d’idée, c’est 1 milliard d’euros sur les dix prochaines années, donc nos volumes sont déjà vendus avant d’être produits. Et on a un vrai défi, d’accélérer notre capacité à les produire pour pouvoir servir nos différents clients partout dans le monde.
Un conseil que tu donnerais à de futurs entrepreneurs ?
Je pense qu’on a eu la chance d’avoir démarré avec des gens avec qui j’étais amie. Parce qu’il y a un premier capital de confiance qui est extrêmement fort.
Démarrer à quatre, ce n’est pas du tout la même chose que démarrer tout seul. Le fait de s’être entouré, d’avoir des gens qui sont là, de ne pas croire tout seul, mais de commencer à 4 à y croire, même les idées les plus folles paraissent beaucoup moins vertigineuses.
Au début, alors, je prends une anecdote, mais qui a son importance, on a eu nos premiers laboratoires à évry. On habitait tous à Paris et tous les matins, on y allait dans la même voiture. Tous les matins, on avait cette heure et demie pour débriefier et parler. C’est pas une réunion où on acte des choses, mais c’est des moments de partage, que ce soit des avancées ou des doutes. Comment je me sens, comment l’autre se sent, Quelles sont les intuitions qui me viennent en ce moment ? Toutes ces choses-là, c’est extrêmement important.
Interview Florence Dauchez
06 février 2024