« Notre principal frein, c’est nous-mêmes. Et à partir du moment où on le sait, presque tout est possible. »
Fabienne Delahaye
Fabienne Delahaye a été l’une des premières à saisir la nécessité de relancer l’appareil industriel français. Elle a fondé MIF expo, le salon du Made in France.
Interview menée par Raphaëlle Duchemin
Publié le 12 novembre 2021
« En 2012, nous avons créé avec une équipe plus que compétente le salon du Made in France. J’ai un curieux métier ; je développe et crée des nouveaux concepts de salon, je me dis que dans tel ou tel secteur il y a un manque et j’arrive.
On est arrivé à l’absurdité suivante : tu achètes un t-shirt pas cher mais tu n’as plus de travail.
Quand j’entendais des émissions ou lisais la presse sur la désindustrialisation en France, sur le niveau de chômage structurel lié justement à cette désindustrialisation -nous avons perdu près de deux millions d’emplois en 20 ou 30 ans- la question que je me suis posée, c’est : est-ce bien raisonnable, est ce que l’on peut toujours produire ailleurs des objets, des produits que l’on pourrait très bien produire ici ?
Les réactions ont été particulièrement vives du côté des économistes et des responsables politiques de tendance libérale.
C’était intéressant de mettre dans une balance le pour et le contre et, finalement, encourager la promotion du Made in France s’est imposé. Je me suis demandée comment je pouvais y contribuer. J’ai pensé à mon métier, j’organise et je crée des salons, donc j’ai rapidement pensé à créer le premier salon du Made in France pour permettre aux entreprises de faire connaître leur démarche et de vendre leurs produits. Ça a été compliqué dans la façon dont l’initiative a été ressentie, autant par mon entourage que sur le plan professionnel : les réactions ont été particulièrement vives du côté des économistes et des responsables politiques de tendance libérale, ceux-là mêmes qui ont organisé les traités de libre-échange et ont tout fait pour inciter les Français à acheter et consommer des produits d’importation. Par conséquent, j’arrivais quand même en poil à gratter par rapport au contexte de l’époque.
Ma chance tient aussi au fait d’avoir eu les bonnes personnes au bon moment pour m’aider dans cette aventure.
2012, c’était le bon moment parce que c’est à ce moment qu’Arnaud Montebourg est devenu ministre, d’abord du Redressement productif et ensuite ministre de l’Économie, et il s’est vraiment intéressé au sujet. Il était très investi sur le Made in France. Il est venu inaugurer la première édition du salon en tant que ministre. C’était courageux de sa part : nous étions Espace Champerret, il y avait 70 entreprises, on ne pouvait pas anticiper un succès. Espace Champerret, ce n’est quand même pas la porte de Versailles. Le salon a très bien marché. Finalement, ça a été beaucoup plus difficile de trouver 70 exposants en 2012 que 800 aujourd’hui.
Je mentirais si je ne disais pas que j’éprouve une certaine fierté, tout en restant humble. Disons que j’ai été là au bon moment. Et puis, il y a l’importance des équipes et quelqu’un que je veux citer, Amandine Bouvet. Amandine était déjà présente dans ma précédente aventure entrepreneuriale, elle m’a suivie dans la nouvelle. Or tout au départ était très compliqué, il y avait des moments de doute. Et Amandine a toujours été encourageante et stimulante. Ma chance tient aussi au fait d’avoir eu les bonnes personnes au bon moment pour m’aider dans cette aventure. »