« Si demain, on me dit, il faut de présenter à la présidence de la République, je dis ok on y va ! ».
Son rire est communicatif : sa bonne humeur aussi. Fatou Ndiaye est un OVNI. Un mannequin au port de reine (oui elle a du sang royal) mais aux habitudes de baroudeuse. À 32 ans la créatrice de la journée de la femme d’impact à déjà plusieurs vies à son actif et des projets plein la tête.
Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 24 novembre 2021
Elle pousse la porte de notre bureau où on lui a donné rendez-vous : nous sommes en plein déménagement, mais rien n’arrête Fatou. Elle enjambe les cartons et rit à gorge déployée ; ce bric-à-brac l’amuse. Elle a 3 quarts d’heure devant elle sort son blush se repoudre et s’assied…
À la question qui es-tu Fatou ? Elle rembobine le film et nous raconte d’où elle vient. « L’histoire commence dans le 18ème à Paris. Mes parents avaient immigré du Sénégal, et j’ai grandi avec mes six frères et sœurs. »
Et Fatou explique que son père a toujours été très à cheval sur l’éducation : car les Ndiaye descendent d’une tribu royale : il faut donc être à la hauteur. Et à la hauteur, la jeune femme sait y être des son plus jeune âge : à 13 ans, elle se retrouve clouée dans un lit d’hôpital.
« J’ai dû passer un an dans un centre de rééducation, et avoir une opération des hanches. Aujourd’hui, j’ai des prothèses de hanches. Je n’avais pas le droit de me lever. Mais dit-elle ça m’a permis d’être moi, de me révéler, de découvrir que j’étais super créative. Je ne me suis jamais sentie aussi libre.»
C’est à partir de là que Fatou décide qu’elle peut tout faire et tout oser. Y compris s’arranger avec la vérité quand il s ‘agit de partir faire ses études pour ne pas rester à Paris. Après un IUT à Sceaux elle prend la poudre d’escampette et part en école de commerce à Bordeaux. Comme un passeport pour l’étranger : elle enchaîne les pays et les expériences avec à chaque fois le besoin de créer une communauté partout où elle passe. Comme à Singapour : « Au bout de trois mois, je n’ai toujours pas de job. Au moment où je me dis que je vais rentrer… Je trouve un job ! Je deviens Event manager pour une boite de pharma. À la base, je voulais être business developer, mais on m’a dit : « Tu n’as pas fait HEC, du coup, tu vas faire de l’événementiel ». Fatou, l’audacieuse va y rester 3 ans. Puis la bougeotte lui reprend. « J’avais fait le tour, j’avais inventé, j’avais révolutionné, disrupté l’entreprise. Il était temps d’aller voir autre chose. »
Après une démission donnée en 1 heure un détour par le Brésil parce qu’elle voulait voir le carnaval , Fatou revient et se lance dans l’événementiel pour enfants. Ça cartonne au bout d’un an. Puis le pigeon voyageur redécolle direction la Malaisie.
C’est là que les choses se corsent : « À la douane, on refuse de me laisser entrer. Je passe des coups de fil, mais rien n’y fais. J’ai deux semaines pour choisir, en pleurs, où je vais. Soit je rentre à la maison à Paris, soit… une étincelle s’allume dans ses yeux … J’avais un billet d’avion pour l’Australie où je devais aller deux semaines en vacances, et là, je me dis : « Est-ce que ça ne serait pas un signe du destin ? ».
Il faut croire que le destin était bien dans le coup, car c’est là, chez KPMG que Fatou va devenir entrepreneuse. En même temps, qu’elle développe une plateforme digitale, elle devient experte en bloc chain appliquée au commerce international pour les Nations unies. Tout se passe bien jusqu’à l’arrivée d’un nouveau Boss : la ligne change et Fatou décide de revenir en France.
Sur un coup de téléphone la voilà en train d’échafauder de nouveaux projets… « Maude, une amie de 12 ans, m’appelle et me dit Et si on réalisait le rêve des gens ? Je dis banco, mais à une condition qu’on ne réalise que des rêves altruistes, alignés avec les 17 objectifs de développement durable des Nations unies ».
C’est le début de Great Village. Puis une aventure en chasse une autre et c’est The Wonders qui naît dans sa tête : « Ça me tenait vraiment à cœur de faire quelque chose pour les femmes. »
Aujourd’hui, c’est chose faite notamment avec la Journée Internationale des Femmes d’Impact où on révèle de nouveaux rôles modèle. « Parce qu’en France, malheureusement, on a des femmes que l’on voit partout, qui sont extraordinaires. Mais on n’en voit pas assez, en tout cas pas assez de différentes. Du coup, je me suis dit si on aidait à faire émerger ces petites pépites qui existent, mais qu’on ne voit pas et à enfin mettre de la lumière sur elles. Pour la première édition qui s’est tenue en octobre la ministre de l’égalité hommes-femmes et de la diversité. Elisabeth Moreno, mon rôle modèle. »
Aujourd’hui Fatou a d’autres projets en tête : toujours alignés, une fédération et peut être même une émission télé. Mais à chaque fois qu’on lui parle égalité elle répond présent. « Je pense qu’il y a aussi quelque chose de très important, c’est le « allyship », comme on dit en anglais, à savoir les alliés ; ces hommes qui, invités sur des panels, osent dire : « Je ne viens pas s’il n’y a pas autant de femmes que d’hommes sur vos conférences. » Et ça, c’est très important, le rôle des hommes dans le fait de laisser de la place aux femmes, comme « Share the mic », qui était une campagne qui a eu lieu aux Etats-Unis, où certaines personnes qui avaient déjà de la visibilité ont accepté de partager le micro avec celles qui en avaient beaucoup moins.
La petite fille timide qu’elle était a bien disparu : aujourd’hui Fatou est audacieuse. Celle qui regardait avec envie une de ses copines d’école s’habiller en jaune n’a plus peur de mettre des couleurs qui claquent. Ni peur de rien d’ailleurs l’audace, c’est un muscle rit elle.