Réinventer le vin

Françoise Antech-Gazeau, vigneronne à Limoux

Une histoire de famille…

Le moment le plus intense de mon année, c’est le premier jus qui coule de mon premier pressoir de mon millésime. Voilà, j’attends ça comme un enfant à Noël, pour savoir, parce que en fait la vérité elle est là. Le moment où tu presses tes raisins, et où tu vas goûter ce jus, et où tu vas savoir ce que va être ton millésime.  Et tu attends sous le pressoir, voilà, tu le sens et tu le gouttes, et ça, c’est quelque chose d’incroyable ! 

Je m’appelle Françoise Antech Gazeau, et je suis vigneronne à Limoux, en Languedoc.

En fait, j’ai pris à 25 ans la suite de mon père et e mon oncle, c’est une maison familiale. Je suis la sixième génération. 

Et après quelques études de commerce, et quelques incursions dans le monde de la cosmétique, pendant quelques années à l’export, j’ai eu envie de revenir chez moi, de retrouver mes vignes et ma cave, de continuer l’aventure familiale. 

Mon papa m’a dit « Mais, tu ne vas pas faire ça ? Tu as un job magnifique, tu gagnes beaucoup d’argent, tu voyages partout dans le monde, et tu vas venir dans un métier qui est dur, où il n’y a bien sûr pas de femmes. »

Et j’ai dû me battre, en fait, la première personne que j’ai dû convaincre ça a été lui, et mon oncle. 

Et quand ils ont vu, je pense, que j’étais très motivée, c’est ce qu’ils m’ont dit après, ils n’avaient pas envie que ça soit une passade ou un coup de tête. Voilà, ils ont passé 20 ans de leur vie à me transmettre ce qu’ils savaient pour m’accompagner et m’aider.

La nature décide

C’est un métier de stress permanent, parce qu’en fait, ce n’est pas nous qui commandons c’est la nature.

Et c’est aussi, ce qui fait que ce métier, est magique. 

Mon père, il a 88 ans, il a commencé à travailler à l’âge de 14 ans, il a fait un parquet de vinification, et il me dit toujours, je n’en ai pas fait deux pareilles. 

On n’est pas des industriels, nous, on prend ce que la nature veut bien nous donner, ça nous remet aussi à notre place. 

Et avec ça, on fait au mieux.

Et vous avez toujours des vinifs que vous croyez qui vont être super, et qui ne se passent pas bien. 

Il n’y a pas que les aléas climatiques qui sont le plus gros problème. 

L’âme d’Eugénie 

Donc la cuvée Eugénie, en fait, c’est une histoire qui e plaît beaucoup à raconter. 

Eugénie, c’était mon arrière-grande-tante, elle était née à la fin du 19ème siècle.

Et Eugénie, elle avait une belle vie. 

Son frère s’occupait de la propriété, elle faisait de la musique, de la peinture, voilà, elle allait se marier. 

Malheureusement, en 1915, à Verdun, son frère et son fiancé ont été tués tous les deux. 

Elle s’est retrouvée avec un domaine où elle n’avait jamais travaillé.

Son père état déjà âgé, et en fait, elle s’est dit qu’est-ce que je fais, je ne peux pas le vendre, c’est la guerre bien-sûr. 

Et elle a dit ; ma seule option pour oublier la peine, c’est de m’engager dans la viticulture. 

Et ça a été une des premières femmes du Languedoc à s’engager dans la viticulture. 

Elle a transmis le domaine à ma grand-mère Marguerite. 

Et en fait, elle a eu une très longue vie, elle vivait à la maison quand j’étais petite jusqu’à l’âge de dix ans, nous avions des chambres mitoyennes, et je l’adorais, c’était mon petit soleil. 

On l’appelait Mademoiselle Eugénie, c’était une demoiselle extraordinaire, et quand elle est décédée, ça a été mon vrai premier chagrin.

Et quand je suis arrivée pour travailler avec mon père et mon oncle en fait, la première cuvée que j’ai faite je l’ai appelée cuvée Eugénie qui était ma cuvée à moi. 

Don elle est encore là, et je trouve ça super. Et c’est devenu un des très grands classiques et une des plus belles cuvées de la maison aussi, ça a été une réussite.

Interview par Florence Dauchez
Publié le 26/09/2021

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