Le sexisme en politique, une invention?

Gabrielle Siry-Houari, économiste et élue.

Liberté, égalité, sexisme.

Dans l’esprit collectif, la politique reste encore réservé au masculin. Gabrielle Siry-Houari, économiste et élue s’intéresse aux raisons historiques mais aussi aux solutions pratiques à mettre en œuvre pour que les pouvoirs soient plus paritaires, exemples à l’appui. Visible l’a rencontrée entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 14/04/2022

Pourquoi certains sujets passent-ils sous les radars médiatiques ? La réponse est peut-être en partie dans le livre écrit par Gabrielle Siry-Houari. L’élue socialiste, maire adjointe du 18ème à Paris, économiste de formation, a observé et décortiqué les mécanismes très masculins d’une matière qui pourtant régit autant la vie des femmes que celle des hommes. Certes, il y a aujourd’hui un homme et une femme en « finale de la Présidentielle», mais pouvons-nous dire pour autant que les candidates ont fait jeu égal avec leurs adversaires masculins ? Des études montrent qu’aujourd’hui les femmes politiques sont confrontées à ce que les chercheurs appellent la falaise de verre.
Le résultat, constate Gabrielle Siry-Houari : « On n’a pas encore eu de femme présidente, et on n’a pas eu de femme premier ministre depuis Édith Cresson. » Mais pour elle c’est la partie visible de l’iceberg qui cache une réalité beaucoup plus criante : « ce qu’il faut voir avant, c’est le fait qu’il y ait une diminution du nombre de femmes à tous les étages au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie, c’est la même chose dans les grandes entreprises. »

C’est pour dénoncer cet état de fait que Gabrielle a pris la plume. Dans « La République des hommes » publié aux éditions Bouquins. Elle y dresse a une critique du pouvoir en place, mais pas seulement. Car pour Gabrielle il faut revenir aux racines de la politique pour comprendre ce qui, aujourd’hui, continue de la miner.

« Ça fait référence à l’histoire de la construction de la République française qui était donc initialement, puisque le corps politique était constitué exclusivement d’hommes, au moment de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui ne concernait que les hommes, les femmes et les esclaves en étant exclus. »

Quand on fait du sur mesure masculin c’est beaucoup plus compliqué de partager. Et Gabrielle de développer :
« Le sexisme en politique, ce n’est pas un reliquat d’une époque passée qui aurait vocation naturellement à disparaître avec le renouvellement des générations. C’est un moyen de domination des femmes qui vise à préserver des positions acquises et donc la position, notamment des hommes. » Et si elle avance ces arguments c’est parce que c’est du vécu : «Personnellement, je pense avoir eu la chance d’être relativement préservée du sexisme en grandissant.»
Mais c’est, dit-elle en arrivant de Rennes à Paris qu’elle tombe des nues : « en entrant dans la vie professionnelle et politique, tout ça s’est fait en même temps j’ai découvert qu’il y avait vraiment un problème systémique de sexisme dans ces sphères de pouvoir à la fois économique, politique et médiatique. »

Et les exemples sont légion dans son livre « Un épisode que je cite, par exemple, celui d’un ministre qui croise l’une de ses collègues ministre accompagnée d’une collaboratrice et qui désigne cette dernière d’un signe de la tête en disant : « C’est à toi ça ? » devant la personne concernée. C’est ce genre d’objectification, plus que des remarques déplacées, c’est vraiment une image renvoyée selon laquelle il y a absolument aucune légitimité à être là, ou alors à la rigueur, en tant que plante verte ou pour décorer. » Ce qui fait dire à Gabrielle que « les femmes sont admises en politique, mais un peu encore par effraction.»
Elle relate comment sur les plateaux de télévision, malgré son bagage en économie, on la ramène à sa condition de jolie jeune femme, ou comment on lui demande d’être féminine mais de faire ni trop jeune, ni trop plus âgée. Autant de considérations liées à l’apparence auxquelles les hommes eux semblent pas devoir faire face.

Une fois le constat établi, restent les solutions à faire émerger : « En politique comme je le disais, il y a un sujet d’exemplarité. Moi je me suis beaucoup réjouie de l’émergence du mouvement #MeToo politique que j’ai soutenu dès son lancement, qui a interpellé tous les partis justement en leur demandant de s’engager sur un certain nombre de choses : ne pas investir des hommes qui soient auteurs de violences sexuelles, mettre en place des systèmes d’alerte en interne pour écouter la parole des victimes.
Et donc ça, évidemment, c’est quelque chose sur lequel tous les partis doivent s’engager. C’est une première chose. On peut aussi élargir les lois sur la parité parce qu’aujourd’hui il faut voir que ça ne concerne qu’une partie des scrutins et que surtout, ça ne concerne pas les têtes d’exécutifs. Donc là il y a des choses à faire sur ce sujet-là. »

Ces reformes-la sont importantes pour Gabrielle, mais elle croit fermement que c’est ailleurs que le combat peut porter ses fruits : « C’est beaucoup plus largement dans l’intégralité de la société qu’il faut mettre en place les réformes qui permettront aux femmes d’avoir la liberté de s’engager. Je pense en particulier à la question de la répartition des tâches domestiques et familiales. Je porte depuis longtemps l’idée d’un congé paternité ou deuxième parent qui soit aligné sur le congé maternité pour justement prôner une meilleure répartition de ces tâches-là.
Et donc, il faut agir à tous les étages, dès le début de la vie des femmes, et notamment traiter le sujet à l’arrivée du premier enfant, qui est le moment en fait un peu déterminant ou à la fois les inégalités salariales se creusent et une certaine forme de retard est prise dans la carrière, et donc c’est là aussi qu’il faut agir très fortement pour permettre qu’on ait déjà plus de femmes qui puissent prétendre à accéder aux fonctions suprêmes.»

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