Isolées, invisibilisées, les femmes handicapées restent souvent enfermées dans le silence quand elles subissent des violences physiques et morales. Le #MeTooHandicap sur Instagram est un premier pas vers la prise de parole.
Stéphanie Gateau, entrepreneure, connaît bien le handicap : elle est elle-même polyhandicapée, elle explique comment elle a trouvé la force de s’en sortir.
Stéphanie Gateau : À l’heure actuelle, en France et en Europe, 80% des femmes en situation de handicap sont victimes de violence. C’est la cible la plus exposée et la moins protégée, que ce soit des violences professionnelles pour des manques d’adaptation au poste, de la violence administrative, mais aussi économique puisqu’il y a beaucoup de précarité chez les femmes en situation de handicap, mais il y a surtout beaucoup de violences auxquelles elles sont exposées, ne serait-ce que par leur entourage. Ça peut être la famille, ça peut être les compagnons, mais ça peut être aussi au niveau médical. Et enfin, quand il y a une dépendance par rapport à des aidants du quotidien, il y a très souvent de l’abus de confiance, de l’abus de faiblesse.
Les gens qui tournent autour de nous et qui ont malheureusement compris cette vulnérabilité et cette fragilité, vont abuser de cette notion de dépendance pour nous faire du mal et pour nous faire du chantage.
Quand j’ai été victime de violences par le papa de mes trois enfants et que je me suis retrouvée dehors, il y a des personnes qui ont été capables de me dire : “En fait, ce n’est pas tellement étonnant, le pauvre, il avait trois enfants et en plus une femme handicapée.”
Donc quelque part, les gens trouvaient ça normal qu’à un moment donné, la personne qui était à côté de moi ait pu être capable, d’être, de devenir violent au point de nous mettre dehors.
On se sent responsable et désarmé. Et on n’ose pas non plus appeler à l’aide. On a tout simplement honte et on se dit qu’on a pas été capable de se débrouiller toute seule. La personne avec qui on était avec mon garçon pendant le confinement, à titre d’exemple, elle l’accueillait tous les jours, j’avais des soins médicaux, donc j’avais des soins par un kiné et par une infirmière. Et tous les jours, elle attendait pour les faire entrer, elle les accompagnait et elle les raccompagnait. Leur offrait le café, leur faisait des gâteaux, tout ce qu’on veut, et de manière à ce que je n’ai pas un instant pour pouvoir faire un signe ou appeler à l’aide et ne pas avoir cette possibilité de verbaliser ce qui m’arrivait.
Non seulement les gens pensaient que c’était la personne idéale et il recevait que des éloges et le mérite de s’occuper de moi et de mon petit garçon alors qu’en fait on vivait absolument un enfer.
Un jour, j’ai même été interviewée à propos de ma start up “Handiroad”. J’ai expliqué qu’il fallait les aider à appeler à l’aide et à pouvoir verbaliser, visualiser toutes ces violences. Et le comble, c’est que moi, à mon échelle, pendant que j’étais en train de parler à travers ce média à des millions de personnes qui pouvaient être concernées et écoutées, moi-même j’étais en situation de violence et je ne pouvais absolument pas l’exprimer. Je n’avais aucun moyen d’appeler à l’aide. Et je me dis que avec la visibilité que j’ai, je n’ai pas le droit de ne pas offrir cette visibilité à toutes ces femmes qui n’osent pas dans leur milieu professionnel ou personnel, qui n’osent pas parler. Et je n’ai pas le droit de ne pas dénoncer ces dysfonctionnements à l’heure actuelle. Le courage, je le trouve aussi grâce à mes enfants en me disant quelles leçons de vie derrière toute cette histoire, derrière tous ces traumas, parce qu’ils ont vécu beaucoup de choses compliquées et mon petit dernier, particulièrement quand j’ai envie d’arrêter, ou quand j’ai envie de me cacher, c’est lui qui me fait la morale en me disant :
“Mais maman, tu nous as dit qu’on pouvait tomber à terre, mais qu’on avait le devoir de se relever.”
Donc dans ces cas là, il me dit :
“Maman t’essuies tes larmes et pense à toutes celles qui ont besoin de toi, qui ont besoin de cette solution. Donc demain matin, tu te relèves et tu retournes au combat.”