Helena Noguerra

« Être libre, ce n’est pas être en libre-service »

Un journal people a publié des photos d’Helena Noguerra nue aux cotés de son compagnon. Sa réponse dans une tribune Libération :

« Je ne me résigne pas à rester dans le silence et dans cet état de sidération dans lesquels l’exposition de mon anatomie (et de celle de mon conjoint) en couverture d’un magazine people a provoqué en moi. Des photos qui ont été volées alors que nous étions «seuls au monde», puis publiées sans notre consentement.

C’est le «sans consentement» qui résonne en moi depuis cinq jours. J’avais déjà été piégée par ce journal mais jamais nue. Et cette nudité exposée à tous sans que je sois d’accord me gêne beaucoup.

Oh bien sûr, rien de grave hein… Je sais bien qu’il est dérisoire de venir pleurnicher sur un téton exposé ! J’en ai bien conscience.

C’est pourquoi je vais la faire courte. Car vu l’état du monde, ce vulgaire symptôme «de la société du spectacle», si bien décrite par Guy Debord, est, certes, désagréable mais au fond pas dramatique…

Il n’y a pas mort d’homme, bien qu’il y ait risque de mort d’âme ! Car ce qui l’est, grave, et c’est pourquoi j’écris, c’est qu’à une époque post #MeToo, à une époque où le consentement est enfin un sujet, je m’étonne que cela ne soit pas appliqué à cette presse «charognarde».

Il me semble que, de manière sournoise, cette presse et ses pratiques sont l’expression même d’un monde qui continue de tolérer les comportements hors-la-loi dont découlent également les agressions sexuelles qui font fi du consentement, et où les victimes se retrouvent démunies car dans un «flou» qui met en doute la réalité de leur refus.

Ce qui m’arrive me fait aussi penser à celles (et ceux) qui se font agresser sexuellement et dont je fais partie (et oui, #MeToo) et dont on minimise l’agression sous prétexte que leur tenue ou leur comportement, jugés ambigus par certains, justifie qu’un prédateur perde le contrôle, cède à ses pulsions, et vole ce qu’elles (ils) n’avaient pas l’intention de donner.

Car je sais bien que cette presse minimisera mon choc en argumentant qu’étant donné que je me suis déjà exposée nue par le passé, que ce soit en couverture de magazines ou même dans certains de mes films, il n’y a pas «agression». Et que, par voie de conséquence, ils ne voient pas «au nom de quoi» je viens pleurnicher pour un téton alors que je les montre quand bon me semble.

Et c’est là qu’est le sujet : quand bon me semble ! Il s’agit bien de ça. C’est quand je veux. Quand j’y consens. C’est comme avec le corps, on couche si on veut, quand on veut et avec qui on veut. Ce n’est pas parce qu’on est libre que tout le monde peut se servir. »

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