Il était une fois Valérie Marie
Elle aurait pu rester anonyme, mais une vidéo d’elle au piano, devenue virale, en a décidé autrement. Valérie Marie pianiste, compositrice et désormais conférencière, a vu sa vie changer le jour où elle a posté sur les réseaux sociaux son duo d’Hallelujah improvisé dans l’aéroport de Toulouse Blagnac. Un moment de magie qui l’a propulsée sur le devant de la scène.
Et si, comme elle le croit, nous avions tous le pouvoir « d’entreprendre notre vie » ?
Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 11 janvier 2022
Son histoire ressemble à un conte de fée.
Valérie Marie est née dans le Gers. La très belle femme au brushing impeccable, au look soigné, à la silhouette élancée, aurait presque pu être une cendrillon des temps modernes tout droit venue de son sud-ouest natal, qu’on entend tinter quand elle parle.
Chez elle on travaille la terre et ses parents cultivent le melon. « A la maison, dit-elle, c’était la misère ». Un beau jour elle entend une enfant jouer du piano. « J’ai 6 ans, se souvient-elle, et je tombe dans la marmite de la musique. » Ces notes et l’air en question elle les a gravés dans son esprit : ceux de la lettre à Élise. Elle rentre chez elle et annonce « Papa, Maman, je veux jouer du piano ». Mais à la ferme il n’y a pas d’instrument et pas franchement les moyens d’en acheter un, alors, Valérie met son imagination au service de son talent : « je dessine à la craie sur la table de la cuisine les notes. Ma mère me demande ce que je fais. Je suis presque étonnée qu’elle me questionne car moi j’entends les sons… »
Face à la passion dévorante de la petite fille, sa grand-mère économise et lui offre un petit guide-chant. « C’est là, dit-elle, qu’est née mon envie de composer parce qu’à l’époque ça me mettait les frissons de jouer au clair de la lune version flûte ou violon… ».
La musique l’habite tellement qu’il va même falloir enfermer l’instrument à clef la nuit pour que Valérie cesse de jouer… Les années passent, mais l’envie de musique est toujours aussi forte. À tel point qu’à 17 ans, au moment de choisir ses études, ses parents sont obligés de lui forcer la main : « fais du commerce, m’ont-ils dit, ça mène à tout et c’est non négociable. » Ce jour-là, Valérie range ses partitions pour ne plus les toucher pendant 20 ans !
Accident de la vie
C’est un hasard qui va la ramener à la musique : en conduisant ses enfants à l’école Valérie entre en collision avec un autre véhicule. La mère de famille au volant de la seconde voiture est pressée elle aussi et il est convenu de se retrouver le soir pour établir le constat. « C’est là, dit-elle, que mon passé remonte à la surface. Quand j’arrive chez cette fille, je vois un piano, un violon, des tableaux, des photos, de l’art partout. Je lui demande ce qu’elle fait dans la vie. Et elle me répond une phrase qui va changer la mienne. En tout cas, j’ai décidé qu’elle change la mienne. Elle me répond : mais moi, je vis de ma passion, je suis photographe, et vous ? »
Valérie est tourmentée. Elle ne dort plus. Pendant 3 jours et 3 nuits elle gamberge. Une petite musique lui trotte dans la tête. Et si la responsable marketing et communication plaquait tout ? C’est ce qu’elle fait. Dans la foulée elle passe un coup de fil. « J’appelle mon papa lui disant : je voudrais récupérer le piano. Il me répond : Chouette, enfin, tu te remets à la musique ?” et je lui réponds : “Je m’y remets définitivement. Je vais devenir compositeur.”
Vache maigre
Par où commencer quand on a cessé de faire des gammes ? Les phalanges sont rouillées, mais très vite les accords sonnent et les notes s’accrochent aux doigts de Valérie. Elle joue des morceaux qu’elle connait, corse les exercices, et c’est encore sa désormais amie artiste qui va l’aider à trouver l’inspiration pour créer ses propres morceaux. « Elle avait revisité les contes, je fais de même avant de réaliser que je ne veux pas être compositrice pour enfants ». Alors Valérie adapte des chansons qu’elle aime, du Stromae par exemple, et sollicite des artistes qui lui répondent et qui vont devenir ses pairs.
Repérée en Italie elle compose pour un spectacle à succès. A chaque fois elle se met en scène « Je me dis : tu es ton propre produit il faut que tu fasses des vidéos. Il faut qu’on te voie jouer. Et un jour la Commission européenne me contacte et me dit : nous avons un projet à travers l’Europe For a better world. Je compose et je sillonne Sicile, Italie, Autriche, Portugal…neuf dates, fois 1 000€. Voilà cinq ans, cinq ans que j’avance, moi, l’ex-responsable marketing communication et je ne suis même pas au SMIC. Et là, la question financière se pose, parce que je mets beaucoup d’énergie dans toutes mes actions, Mais je dois dire que je commence à être découragée. Alors je me fixe un dernier objectif : si dans six mois, ça n’a pas bougé, je ferai Agent immobilier».
Une prière entendue
Il faut croire que le destin aime bien mettre des embuches sous les pas de Valérie. La jeune femme décroche un rendez-vous chez Warner : ce qu’elle veut c’est être dans l’ombre composer des musiques de films. Mais voilà que le rendez-vous tombe à l’eau. « Je ne sais pas trop si je vais à Paris, mais moi, mes maigres cachets, je les mets dans mes déplacements et mes chambres d’hôtel. J’arrive à l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Le vol est retardé parce qu’il fait très mauvais, très froid. Nous sommes dimanche soir, 20 h. Tout le monde râle. Je lève les yeux et je vois un piano. »
Et là, c’est plus fort qu’elle, Valérie se lève et fait ce qu’elle aime faire le plus au monde : elle s’assied et laisse ses mains effleurer les touches.
« Un morceau deux morceaux, trois morceaux, quatre morceaux, cinq morceaux… Je suis très applaudie. Un inconnu se lève, vient me voir, me dit : Vous avez une façon singulière, madame, de jouer. Vous ne voulez pas refaire Hallelujah et que je pose ma voix dessus ? Et il me dit : Je suis chanteur professionnel. Donc je me tourne à ma gauche et je demande à un autre inconnu : Monsieur, vous ne voulez pas nous filmer ? Parce qu’en fait je n’ai jamais fait de duo piano-voix. C’est une première pour moi et sincèrement, je voudrais voir ce que ça donne. Il accepte. Je démarre l’Hallelujah, et là, waouh ! »
Valérie vit un moment de grâce et le public aussi. Elle récupère son téléphone, n’a même pas le temps d’échanger avec son partenaire que la voilà dans l’avion. Elle partage la vidéo avec ses parents puis décide de la poster sur les réseaux. Et là c’est l’emballement.
« J’arrive à Paris et je vis en live, ce qu’on appelle un buzz : 10 000 vues au petit matin, 20 000 vues deux heures après, 50 000 à 12 h, 100 000 vues dans la soirée. À partir de là, les médias me contactent : vous avez fait la même viralité que Despacito, vous réalisez ce qui vous arrive ? Non, pas du tout. Puis 2 millions, puis 3 millions. Je reçois mon premier contrat d’artiste. Les médias lourds relaient. Nous atterrissons, je crois, à 11 millions, 12 millions, 13 millions… Je ne sais même plus à combien on en est. Les sollicitations arrivent et cette deuxième rencontre forte pour moi, a fait bouger les lignes de ma vie. »
Aujourd’hui ce sont les entreprises qui viennent la chercher pour qu’elle partage son histoire et inspire.
Alors sur scène Valérie joue et se raconte. Elle qui voulait rester dans la coulisse à composer se retrouve sous les projecteurs.
« Je suis passée de l’ombre à la lumière dit-elle. Je suis devenue visible. »