Inventer son métier

Justine Chesnoy, sources de cacao d'exception.

Sourceuse en cacao d’exception

 

C’est un petit bout de femme qui a les yeux qui brillent quand elle parle de ses voyages. A 36 ans, Justine est sourceuse en cacao d’exception.
Son métier ? Elle est une des rares femmes à le pratiquer sur le globe car elle l’a presque inventé.

Interview par Raphaëlle Duchemin
Publié le 29 octobre 2022

Justine ce métier de sourceur de cacao d’exception vous conduit dans les coins les plus reculés de la planète. Comment faites vous pour concilier travail et vie de famille ?
Je suis maman donc, de 5h à 20h, je m’occupe des mes enfants, et je retravaille jusqu’à minuit parce qu’en Amérique latine, ils ont 6h de retard avec moi et donc, je leur parle sur des heures tard dans la nuit.

Le cacao on connaît, mais en quoi consiste votre métier ?
Sourceur de cacao, c’est  un métier que j’ai créé de toute pièces puisque je suis tombée dans le cacao au Vénézuela lors d’un stage après ma première année d’études à Science-Po. J’ai été fascinée par ce fruit qui ressemble à un ballon de rugby sur un tron,  je savais pas du tout que le chocolat venait de là.

Ça se travaille comme pour un parfum ou comme un vin ? 
Sur les fèves de cacao séchées, après fermentation,  on va se baser sur l’aspect sensoriel. C’est-à-dire qu’on les torréfie, on les décortique et on goûte la masse, on rajoute un petit peu de sucre et on peut sentir quels sont les arômes précurseurs.  C’est exactement comme dans le vin, Il y a vraiment des oenologues du chocolat et du cacao qui peuvent vraiment décrire des arômes exceptionnels où les notes gustatives peuvent être, éventuellement, de l’acidulé comme dans un citron vert du nord du Pérou, où on va sentir la mangue, on va être plus dans le fruit rouge. 
 
Au-delà du fruit exceptionnel vous avez aussi tissé une relation avec les producteurs ? C’est ce qui fait la singularité aussi de votre expérience ? 
J’ai commencé à me fasciner pour le développement agricole, accompagner les fermiers, vivre avec eux pendant un an. Et, je me suis dit ok, je suis là avec eux, je les aide dans les termes agricoles à essayer de sortir d’une certaine marginalisation et pauvreté rurale. Mais, avec mon background et le fait que je sois française et que je connaisse la gastromonie, si le seul monde qui va valoriser leurs produits et leurs fèves se trouvent à des milliers de kilomètres, dans mon propre pays, je leur serai peut-être plus utile en passant quelques coups de fils à des chocolatiers pour voir s’ils seraient intéressés d’acheter leurs fèves. 
 

Le déclic se fait à ce moment là ? Vous vous dites ça à du sens ? Et vous ajoutez des cordes à votre arc ? 
Oui, j’ai appris un autre métier qui est le métier d’originateur de cacao c’est-à-dire d’achat du fermier jusqu’à mise sur le bateau et jusqu’à l’export. L’importance pour moi, c’était vraiment d’être d’être cette ambassadrice pour différents fermiers. En fait, je trouvais des pépites sur mon chemin par exemple du cacao natif de Piura ou du Chuncho, avec les tribus Arhuacos en Colombie. Et, ils n’arrivaient pas à être valorisés parce qu’ils étaient fondus dans la masse. 

C’est comme ça que nait cacao latitudes ? 
Je me suis dit je ne veux plus être dans ce marché de masse et de gros volume, je préfère constituer une entreprise ou au moins une marque qui soit complétement dédié juste au fin, à l’artisanal, au goûtu et à l’exceptionnel. Moi, mon but, c’est qu’en fait, je crée des liens qui restent ! Parce qu’en développement agricole on a toujours des aides aux developpements. Donc, ça a un côté paternaliste ou on fait un projet de quatre ans, on aide l’agriculteur pendant quatre ans et après comme si, il allait décoller et s’en sortir tout seul. Mais s’il n’a pas de lien, de partenariat commercial, il ne pourra pas être pérenne et il ne s’en sortira pas par lui-même. Donc, nous on crée ces liens, et c’est vrai que j’ai des fermiers et des coopératives avec qui je travaille depuis quinze ans moi, mon but c’est de ne jamais les oublier. Et on va réussir à leur trouver les meilleurs clients possible, pour que, finalement, tous les gens puissent goûter leur cacao. Je suis Visible, et mes producteurs aussi du coup. 

 

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