Je me suis envolée

Dinara Drukarova, actrice et réalisatrice du film Grand Marin
Réaliser son premier film, combien accomplissent ce rêve fou? Dinara Drukarova, actrice et réalisatrice russe installée en France depuis vingt ans, a dépassé ses peurs et les milliers de problèmes d’un tournage pour adapter au cinéma le livre qui a changé sa vie, Le Grand Marin de Catherine Poulain. 6 ans de travail , 6 années de défi constant. Et Grand Marin est là.
25 janvier 
Interview Florence Dauchez

 

FD : Grand Marin est d’abord un livre qui a changé votre vie. C’est l’histoire d’une femme qui ne justifie rien. C’est vous?  

DD : C’est une histoire de femme, une femme qui quitte tout et qui part au bout du monde pour faire la pêche, qui veut tout larguer de sa vie. On rêve tous d’avoir ce courage de quitter sa vie pour, peut-être, aller au bout de soi même, pour s’affronter, pour comprendre ses forces comme ses faiblesses. Et voilà, elle veut faire une sorte de preuve d’elle-même. 

FD : Quel a été votre plus gros challenge avec ce film ?

DD : C’est de jouer et réaliser en même temps. 

FD : Comment on entre dans le personnage d’une femme pêcheuse en mer ?

DD : Pour comprendre cet univers, il fallait que je le découvre. Pendant six ans, je suis sortie en mer avec des pêcheurs de pays différents parce que je voulais raconter cette histoire avec une justesse, une vérité. Ce n’était pas évident parce que j’avais une maladie de mer, il se trouve que j’avais le mal de mer et donc il fallait affronter ça aussi. 

FD : Ce rôle vous a-t-il permis de découvrir une autre facette de votre personnalité ?

DD : Avant le tournage moi, j’étais comme au bord d’une falaise et tu sais que tu dois faire ce pas , tu es remplie de peurs, de doutes, mais en même temps tu te dis : si tu ne franchis pas cette peur, tu ne sais pas si tu vas t’envoler ou t’écraser.  Les deux sont possibles. Dans mon cas, je me suis envolée, en m’écrasant de temps en temps, et en reprenant le vol quand même… Et je suis fière aussi de montrer un exemple à ma fille qui a quinze ans. Avec mon exemple, je pense que c’est le plus fort que je peux être au fond de moi. C’est cet exemple que je voulais lui donner à travers le mien, de vivre cette aventure et d’aller jusqu’au bout, et qu’elle est soit fière de moi. Tu sais, ça, c’est mon plus grand accomplissement. 

FD : Comment s’est déroulée la production ? 

DD : Je suis un homme, ou je suis une femme, trouver le budget pour ton premier long métrage, c’est  une bataille. En ce qui me concerne, je pense que le récit que je proposais, le fait que j’étais entourée de femmes dans la production aussi, Julie Gayet, Nadia Turincev, Marianne Slot, Carine Leblanc, j’étais entourée de femmes dans leur force. C’est un récit de femme qui était dans l’air du temps. Je pense que c’est que la bataille qui est en train d’être menée sur tous les fronts par rapport à cette bataille de femmes, Et bien, moi, je considère que je commence pas tout à fait à ramasser des fruits de ça, mais quand même ! 

FD : Quel souvenir de ce film restera gravé à jamais dans votre esprit ? 

DD : C’est le festival de San Sebastian et les applaudissements à la fin qui sont remplis de sincérité. Parce que moi, je suis comédienne depuis longtemps et je sais ce que c’est les applaudissements, je sais comment, et je sens comment le film est accueilli. Et là, c’était… Voilà, des applaudissements très longs. Et là, ton coeur gonfle d’amour. Tu dis que tout ça, ces six ans de travail acharné, de tout ce surpassement, du « aller jusqu’au bout » comme ça, tu dis : et bien c’est pas pour rien. Et tu te dis : voilà, c’est fait.

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