Jean-Louis Debré s’engage pour l’égalité avec un livre puis un spectacle « Ces Femmes qui ont réveillé la France ».
Le livre éponyme par co-écrit Jean-Louis Debré et Valérie Bocheneck en 2014 s’est mué en pièce de théâtre jouée à la Gaité Montparnasse. Le succès va en grandissant, le bouche à oreille fait son chemin, la salle est comble chaque soir. A la fin de la représentation, l’ancien Ministre de l’Intérieur salue les spectateurs, dialogue, écoute, argumente. «Il n’y a pas de liberté sans égalité». C’est au nom de la République que l’ancien Président du Conseil constitutionnel porte le combat des femmes pour l’égalité.
Interview menée par Florence Dauchez
Publié le 9 décembre 2021
FD- Comment vous est venu l’idée du livre Ces femmes qui ont réveillé la France ?
JL D- J’aime beaucoup et je le fais, depuis que j’ai été Président de l’Assemblée, je vais dans les classes d’enfants de 14 à 15 ans. Je suis dans un collège qui porte le nom Louise Michel et je dis aux enfants vous connaissez Louise Michel ? Ils me regardent. Pas un bruit. Mais vous ne connaissez pas ? C’est le nom du collège ! Je me tourne vers le professeur – mais on ne leur a pas appris qui est Louise Michel ? Et l’enseignant m’a répondu : ce n’est pas au programme. Ça m’a profondément bouleversé.
J’ai fait deux livres sur l’histoire des magistrats au XIXᵉ siècle, l’histoire des avocats au XIXᵉ siècle, puisque la République était la République des avocats.
Puis un jour, je me suis dit mais il y a bien eu une femme qui est devenue la première femme à plaider. Quand ? Qui ? Et donc, je suis allé aux Archives et j’ai trouvé le combat de cette femme, Jeanne Chauvin, pour avoir le droit de plaider. Et puis, partant de ça, je me suis dit, mais il y a bien eu une femme qui a eu la première fois le baccalauréat pour rentrer à l’université. Qui est-ce ? J’ai interrogé autour de moi, on ne savait pas. Donc je suis retourner chercher dans les Archives et j’ai trouvé cette femme exceptionnelle, Julie-Victoire Daubié, qui est arrivée à force de combat, à avoir le droit de présenter les épreuves du baccalauréat.
Avec Valérie Bochenek, qui a écrit avec moi ce livre, nous avons cherché les premières.
La première femme qui est devenue médecin : quel combat ! Et quel combat ! Qu’elle mène seule, parfois entourée d’hommes qui les aident, mais seules. Ce sont des femmes qui veulent y arriver. Et puis, partant de ces femmes, qui sont des pionnières, ces pionnières elles partent au combat parce que c’est leur nature, mais aussi parce qu’il y a eu des grandes voix. On ne s’en rend pas compte, aujourd’hui, George Sand est un peu oubliée, mais elle a fait prendre conscience aux femmes qu’elles étaient des êtres humains à part entière, qu’elles devaient vivre leurs vies comme elles l’entendaient et qu’elles n’étaient pas soumises, et le combat de George Sand est exceptionnel dans un monde complètement fermé. Le combat de Colette Colette qui n’a pas pu avoir, vous savez, quand en 1952, le Président de la République veut élever Colette à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur, le grand chancelier répond “il n’en est pas question !” “C’est immoral, Colette !” Et non, elle a appris aux femmes, elle a donné du courage aux femmes qui choisissaient leur destin et qui devaient l’assumer.
Ce livre, qui a maintenant quelques années, je n’avais jamais autant reçu de courriers de femmes, ou d’hommes qui disent “dans ma famille, il y a une femme exceptionnelle, qui a fait ça ou ça”.
Ces femmes qui ont fait évoluer la législation, on n’en parle pas dans les livres d’histoire parce que l’histoire est écrite par des hommes.
FD- Percevez-vous des résistances, des objections à cette quête d’égalité ?
JLD- Ces femmes qui ont fait évoluer la législation, on n’en parle pas dans les livres d’histoire parce que l’histoire est écrite par des hommes.
Le corps social des professeurs, des instituteurs, des médecins, des avocats gardaient leur pré carré, mais ce qu’il faut dire, c’est que ces premières femmes, avocate, bachelière, médecin, elles ont été aussi entourées par des hommes. Après le spectacle, je discute avec des gens et qui disent “ah mais !”. Je leur réponds, non, non, on ne gagnera pas ce combat pour les femmes si on en fait un combat contre les hommes, et on le gagnera que si on comprend que c’est le chant de la République, et que c’est cela qui nous conduit. Alors oui, il faut faire entendre ces voix, c’est pour ça que je suis heureux que ce spectacle marche bien et qu’il y ait de plus en plus de jeunes, parce que finalement, c’est ce que je leur dis à la fin, vous voyez, ces femmes étaient de condition modeste, mais elles avaient un espoir, une espérance, et cet espoir, c‘était pour elles. Mais c’était aussi pour les autres. C’est un combat républicain, on parle de la République, de Marianne… mais liberté, égalité, fraternité, il n’y a pas de liberté sans égalité.
Ces Femmes qui ont réveillé la France au théâtre de la Gaité Montparnasse puis en tournée nationale au printemps.