Elle agite le monde du livre

Jeanne Thiriet, éditrice et journaliste.
Jeanne Thiriet, éditrice et journaliste, est la co-fondatrice de la nouvelle maison d’édition engagée Livres Agités qui publiera exclusivement les premiers romans de femmes autrices.

Interview par Florence Dauchez
Publié le 11/05/2022

FD : – Comment êtes-vous passée de l’idée à l’action ?

JT : – A chaque fois que j’en parlais à quelqu’un, on me disait : « mais c’est génial, ! », comme si j’avais un courage énorme . Ce qui m’a donné l’élan, c’est le regard admiratif des autres, alors que moi, je n’avais pas l’impression de leur raconter un truc de fou. Les autres y croyaient.

FD : – Vous aviez identifié un besoin ?

JT : -Quand on regarde un peu ce qui est publié par an, on se rend compte que l’édition est un monde très masculiniste, où il y a encore plus d’hommes que de femmes qui sont édités. Il y a beaucoup de femmes dans le monde de l’édition, ça tout le monde peut trouver un boulot., toutes les femmes peuvent trouver un boulot, mais rarement à l’étage des décisionnaires. Et puis je ne sais pas, entre les hommes, la solidarité ça marche. Ils aiment bien s’éditer les uns les autres, se soutiennent les uns les autres. Et si on regarde les premiers romans, il y en a très peu d’édités, il y en a beaucoup au moment de la rentrée littéraire en septembre. Ensuite, on les perd un peu de vue .

Nous, nous on s’est dit franchement, là c’est la double peine pour les femmes, un premier roman déjà et femme en plus , c’est beaucoup plus difficile. Donc on a pensé qu il faut les aider, il faut les mettre en lumière. Et là aussi, avec une conviction de l’éditrice qui était que c’est certain qu’on va trouver les voix littéraires de demain dans ce terrain-là.

FD :- A quel type de développement pensez-vous ?

JT :- On éditera 2 livres par an. Aujourd’hui, l’essentiel de notre travail consiste à lire des manuscrits. On en reçoit beaucoup, soit de femmes qui ont tenté de faire publier leurs manuscrits puis elles n’ont pas trouvé d’éditeur, soit beaucoup qui sont captées par notre discours, qui sont séduites par notre discours sur les réseaux sociaux. On sort notre premier roman mi-août pour la rentrée littéraire.

FD : – Vous nous en parlez ?

JT : – C’est une jeune femme de 30 ans, Mona Messine, qui écrit un très joli roman qui s’appelle Biche, très poétique et très cruel à la fois parce que c’est une allégorie, c’est à la fois une allégorie féministe, une fable écologiste et quand même un livre qui parle de l’altérité puisqu’il s’agit d’une traque dans une forêt entre un groupe de chasseurs et une toute jeune biche.

En fait, c’est un peu la revanche de Bambi. !

FD : -Créer son entreprise, c’est un pas important. Vous avez hésité ?

JT : – Moi, je crois qu’il faut suivre non pas son intuition, je dis vraiment sa pulsion, c’est-à-dire qu’il faut sentir que c’est le moment, qu’il faut le faire. Et puis il me semble important de ne pas avoir peur de se prendre les pieds dans le tapis, de reculer, de se faire aider, d’accepter l’idée qu’on n’a pas toujours raison, que toutes nos idées ne sont pas les bonnes. Il faut aussi savoir écouter et s’entourer des bonnes personnes.

FD : – Le bonheur professionnel, vous y croyez ?

JT : -En arrivant devant la pile de livres qu’il fallait envoyer par service de presse aux journalistes, j’ai vu notre attaché de presse qui est un homme génial, Arnaud Laborit. Il me dit : – Ça va Madame Thiriet ? »

Je lui ai dit : « – Mais alors, qu’est ce que je peux être heureuse de vivre ! Mais franchement, là, je suis heureuse ! » Et ils m’ont tous regardé genre,

mais est-ce qu’elle n’exagère pas ? Mais non. Il y a des emmerdes quand on fait quelque chose comme ça, on est deux donc il y en a toujours une pour remonter l’autre. Et puis, à chaque fois qu’on va y voir un nouvel interlocuteur, la banque, tout se passe très bien. On est allées porter 400 enveloppes à la Poste, dans le centre de la Poste de la Chapelle, c’est pas le truc le plus glamour mais quand on leur a dit ce qu’on faisait, ils avaient tous la banane !.

Et oui, il y a de la liberté, je crois que là où on donne envie, c’est parce qu’on dégage la liberté, la liberté a ses contraintes, mais c’est la liberté.

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