Cinéma : la révolution Judith Godrèche.
La comédienne-réalisatrice demande la présence d’une coordinatrice d’intimité pour accompagner les scènes intimes et protéger les jeunes.
Ce nouveau métier est apparu dans le cinéma, en grande majorité, ce sont des femmes qui prennent ce rôle de préparation des scènes définies comme intimes.
Dans sa première réalisation, French Icon of Cinema, Judith Godrèche transposeson temps de vie avec Benoît Jacquot. Il y avait une évidence de confier une mission d’’accompagnement de l’actrice qui joue son rôle à une coordinatrice d’inimité.
Visible a rencontré Claire Chauchat, elle revient sur les bénéfices de sa nouvelle fonction sur un tournage.
Peut-on dire que vous êtes une facilitatrice de dialogue ?
Il est important que chaque comédien puisse dire quelle partie de son corps, par exemple, il accepte qu’on montre et lesquelles peuvent être touchées. Si tu touches le lobe de l’oreille, c’est bon. Par contre, si tu me touches le doigt de pied gauche, c’est pas possible.
Des comédiens n’osent pas forcément dire aux réalisateurs quelles sont leurs limites parce qu’ils ont peur de ne pas être validés derrière, parce qu’ils ne veulent pas être jugés, avoir l’air de faire des caprices. Un comédien doit tellement dire oui à tout, je pense que facilement, en tant que réalisateur, on peut amener un comédien à faire quelque chose sans avoir vérifié que c’était possible.
Les comédiens travaillent en lecture avec les réalisateurs en amont d’un tournage, ils font des répétitions, etc. et j’ai le sentiment, je ne suis pas là pendant ces lectures, mais j’ai le sentiment que sûrement, ces séquences, on les passait un peu rapidement. Un comédien qui va devoir jouer un personnage, une personne qui a existé, il va avoir un coach de gestes qui va l’aider à faire les mouvements, les scènes de bagarre, il y a un cascadeur qui est là, on prend ce temps avec les comédiens en amont.
Je pense que sur ces séquences intimes, on ne le faisait pas.
Un comédien peut être fragilisé par ce qu’il va jouer, mais c’est aussi la beauté de ce métier. Et donc je pense que dans les séquences intimes, on a pu arriver à des choses comme ça, parce qu’on donne tout, on y va et on pousse parce que le réalisateur, il est derrière, son combo, il voit l’image et il trouve ça beau mais il a besoin de plus et il est dans cette espèce de bulle. Je pense que la frontière entre ce qu’on fait pour le travail et ce à quoi on arrive et ce qu’on fait faire aux comédiens est très fine et ça peut déraper.
Avez-vous pu mesurer l’impact de votre présence ?
J’ai la sensation que les comédiens, déjà avant même que je les rencontre, quand je les ai juste au téléphone sont très contents de savoir qu’il va y avoir une coordinatrice d’intimité. Je sens un soulagement quand ils savent qu’ils ne vont pas être seuls. Je m’adapte vraiment aux besoins des comédiens. On a un rendez-vous où on se retrouve dans une salle de répétition, où on va être tranquilles, où on va pouvoir et parler et chorégraphier les séquences aussi et faire des exercices.
On a un vrai temps de travail qu’on fait assez en amont du tournage pour qu’on puisse revenir et refaire d’autres séances de préparation si nécessaire. J’ai beaucoup travaillé avec des jeunes comédiens qui sont très en demande, pour qui je pense, c’est un vrai sujet.
Pour eux, c’est presque une évidence qu’il y ait ça. Pour des comédiens plus confirmés, j’ai eu des demandes et des comédiens qui étaient très rassurés et très contents de faire ce travail. Il y a des moments où des comédiens sont venus me voir, qui se sentaient un peu débordés et je sais que si n’avais pas été là, ils auraient continué.
Votre première intervention a eu lieu sur le tournage de French Icon of Cinema, ce travail vous a convaincu de son utilité ?
La réalisatrice était une réalisatrice super et j’ai pu aussi faire prendre conscience aux comédiens qu’on pouvait s’arrêter, qu’on pouvait filmer différemment, avoir des moments de respiration.
Je suis fière et contente quand les comédiens sont heureux de ce qu’ils ont fait et qu’ils se checkent et qu’ils font des checks aux réalisateurs et qu’ils disent : – Super, on a réussi, on l’a fait, elle est bien, elle est belle, la séquence est belle ! Et qu’ils sont contents de ce qu’ils ont fait. Et ça arrive assez souvent finalement. Donc c’est chouette !
Interview Florence Dauchez
20 février 2024