Le jeu au bout des doigts

Noémie Féraud, joueuse et championne du monde de Fortnite
Massilia -son pseudo dans le jeu-, reine du gaming

C’est ce qu’on appelle une championne discrète. Noémie Féraud a remporté en décembre le titre de championne du monde sur Fortnite : le jeu vidéo est un des plus prisé dans le monde du gaming. Depuis Aix-en-Provence elle avait l’habitude de livrer bataille mais fin 2022 son équipe a décidé de l’envoyer directement dans l’arène, aux Etats-Unis. À armes égales la jeune femme s’est débrouillée comme une cheffe raflant la première place du podium.

Aujourd’hui elle va remettre son titre en jeu (fin février début mars), entre 2 entrainements elle s’est confiée à Visible.

C’est parce que son père et sa sœur jouaient que Noémie a commencé à se familiariser avec les consoles. « J’avais cinq / six ans quand j’ai découvert un peu les jeux » se souvient-elle. De l’amusement à l’époque, pour faire comme les plus grands mais très vite Massilia (son pseudo sur les réseaux) va se prendre de passion pour le gaming : « après j’ai vraiment pu avoir ma console, vers 8 / 10 ans… et j’ai commencé à « try hard » les jeux vidéo.» Au début, même si ce n’est pas de son âge elle commence sur call of duty : « j’ai joué pendant quatre ans»  avoue-t-elle. Mais à la sortie de Fortnite elle trouve son univers.  

« J’avais quatorze ans, quatorze ans et demi, le jeu est sorti. Tout était nouveau. On s’est tous intéressés au jeu. Au final, j’ai vraiment accroché. » Tellement bien que Noémie commence a s’adonner à la compétition. Elle avait 16 ans et » depuis -sourit-elle- je continue toujours. »

Mais pour aller se mesurer aux plus doués il faut s’entrainer alors Noémie ne compte ni son temps ni ses efforts : « Je me suis mise à fond dans le travail, dans l’entrainement » Au début pourtant la joueuse ne pensait pas que cela allait lui permettre de faire carrière dans le jeu et de se faire un nom dans le milieu : « C’était juste un hobby, c’était une activité comme une autre. Comme je pouvais aller courir dehors » Il faut dire qu’à l’époque l’adolescente a besoin de s’évader de se vider la tête : « j’ai eu des complications dans ma vie de famille et ça a été une porte de sortie. Je me suis mise à cent pour cent dans le jeu vidéo pour, on va dire peut-être fuir la réalité à un moment et au final, ça m’a ouvert des portes et j’y suis allée. »

A l’époque elle joue dès qu’elle peut : « Je pouvais jouer 10/12 h par jour, mais sans conviction. Je jouais pour jouer alors que maintenant je vais y consacrer peut-être 4 ou 5 h par jour, grand maximum. Mais ça va être optimisé. Sur une heure, je vais travailler un truc spécifique et pas juste jouer aléatoirement. En fait, c’est comme un sportif, il y a l’entraînement sur le terrain comme on dit. Et après, il y a aussi le rythme de vie bien dormir, bien manger, boire, faire du sport et avoir aussi une bonne vie sociale entre guillemets. Ne pas rester juste que sur un écran sans voir personne. C’est pas possible d’être performant sur la durée. En fait, on peut réussir pendant quelques mois à faire des grosses performances, se faire un nom, mais après perdurer dans de mauvaises conditions, c’est très rare, voire impossible

 Et Noémie sait de quoi elle parle car elle a été repérée : et son talent ses recruteurs l’ont aidée à le faire éclore « Mais ce qui m’a un peu fait un nom, c’est que j’étais la première fille à rejoindre MCES Académie Et du coup, forcément, ça a tapé dans l’œil des personnes qui géraient CVS. Donc du coup mon agent. Et au final, grâce à eux, les gens commençaient à me connaître.
Et au final, je suis allée un peu partout sur les compétitions, tout ça. J’ai essayé de m’intégrer dans cette communauté et au final les gens ont retenu mon nom et maintenant voilà, c’est comme ça. »

A force d’acharnement, Noémie va commencer à faire des performances, malgré la distance et le désavantage de jouer sur des serveurs depuis l’Europe. La donne est faussée mais en décembre son équipe décide de lui donner sa chance et de l’envoyer dans l’arène américaine pour combattre à armes égales avec ses rivales. Et là c’est la révélation.

« Moi, de base, je l’ai joué mais depuis chez moi. Donc Marseille, France, Europe. Donc le serveur c’est pas celui sur lequel la compétition était organisée. Du coup, j’ai un désavantage sur la connexion, donc j’ai réussi à décrocher des petits Top 10 top sept Mais ça en soi, c’est pas ce que je veux. C’est parce que l’équipe qui est avec moi veut pour moi en terme de performance. » Car les qualités sont là. Et Massilia va avoir l’occasion de le prouver. Le billet pour New-York est pris…. C’est la première fois que Noémie va jouer équitablement.

« Et au final, ça s’est bien passé. C’est ça, cool. Ouais ben au final, j’ai fini premier en solo, troisième en trio. Et puis c’est cool. En fait, c’était toute l’expérience qu’il y avait dans la compétition parce que du coup, il y avait le déplacement à New York. Il y avait le fait aussi de voir mes coéquipières dans la vraie vie, parce que du coup, je les connaissais qu’à travers l’écran depuis un an.

Et au final, tout était cool, même le « après ». En fait, après la compétition, quand je reviens en France, bah du coup tout le monde m’accueille. Donc au final de A à Z, l’expérience était trop bien. »

La suite c’est dans quelques semaines. Massilia remettra son titre en jeu : « Ils essaient de renouveler régulièrement l’édition pour justement attirer plus de gens et permettre aussi aux filles de devenir professionnelles »  

Parce que du coup il y a de l’argent à gagner. Après, c’est sûr, il y a moins de joueuses. Donc forcément, les marques ne peuvent pas mettre les mêmes sommes pour l’instant. Mais justement, c’est en train d’évoluer petit à petit parce qu’avant quand même, le cash prize était à zéro.

Donc maintenant ça augmente, s’est passé de 75000 à 150000. Là, ça va être encore 150 000. Après ça, ça va être peut-être être plus 300 500, peut être après 1 million. C’est donc en faisant à chaque fois cette édition, que ça va continuer de grimper. »

 Mais on en est encore loin et le cachet de Massilia reste microscopique comparé aux gamers masculins de son niveau. Ca n’empêche pas Noémie et ses co-équipières de se battre pour faire de la place aux filles dans le E sport.

« On essaie de faire évoluer les sports féminins comme on peut, que ça soit les joueuses, les structures qui commencent à s’y intéresser. Et maintenant les organisateurs de compétitions et peut être un jour Fortnite. Mais il faut avoir le mental en fait, parce que c’est dur, c’est dur. Déjà juste dans la communauté. En fait, être avec les autres qui ont un regard très négatif pour l’instant sur les sports féminins, sur le niveau des filles y a une perception trop négative de la joueuse en fait. Donc il faut juste ne pas faire gaffe au regard des autres.»

« Le regard est en train de changer– explique-t-elle- mais c’est plus long chez nousIl y a beaucoup de joueuses compétitives en Amérique qui ont un très bon niveau. C’est juste en Europe, il n’y a pas ce truc-là. Moi je vais essayer justement de continuer cette carrière et après de faire en sorte que ça perdure le plus possible. Et après, grâce à l’expérience que j’aurais en le transformant en expertise et le transmettre en vrai comme je le fais là, déjà en service civique, mais plus tard sur d’autres choses comme être coach, manager. Il y a plein de choses possibles.

En fait, dans le jeu vidéo, il n’y a pas que-être joueur pro, il y a plein d’autres métiers à travers ça. Et au final, j’ai vu que ça pouvait avoir de l’impact, les performances que je pouvais faire. Ça pouvait faire en sorte que les sports féminins progressent parce que peut être des filles qui sont en France, veulent faire pareil. Donc en soi, je commence à en prendre conscience que je peux avoir des impacts, vraiment. »

Interview Raphaëlle Duchemin
26 avril 2023

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