L’école en détresse

Valentine Varela, réalisatrice

Interview de Florence Dauchez

22 Novembre 2022

Prof, le plus beau métier du monde, l’un des moins valorisé en France.

Valentine Varela est réalisatrice de documentaire depuis 10 ans. Son nouveau film, La Générale, met en lumière les profs des sections d’enseignement général et professionnel, là où sont dirigés les élevés en difficulté. Certains parmi ces élèves ont des capacités qu’ils n’ont pas su ou pas pu mobiliser.

La Générale traduit le malaise vécu par le corps enseignant et autant par les élèves qui ne parviennent pas à s’extraire d’un contexte familial peu aidant.

FD : Le corps enseignant souffre de son impuissance, c’est un constat général. On constate dans votre film que la foi demeure.

VV : Dans ce film, je montre un hommage immense et une admiration pour ces enseignants que j’ai trouvés absolument incroyables de persévérance. Des professeurs qui font ce qu’ils peuvent, des élèves qui font ce qu’ils peuvent, mais avec une structure, l’Éducation nationale, un éléphant comme on dit, qui est à bout de course et auquel il faudrait donner beaucoup plus de moyens. J’ai été absolument sidérée de voir à quel point les profs sont en détresse en fait, et ils ont une abnégation totale, une obsession même, je dirais, de leurs élèves. Le week-end ils en parlent. J’ai passé des week-end avec eux, ils sont obsédés pour essayer de les sortir de la merde. Et en fait, c’est quasiment impossible.

FD : L’intention du film est née pendant un cours de gym. En l’espace de quelques jours, vous avez obtenu les autorisations de l’académie et aussitôt débarquer avec votre caméra dans les classes. Les élèves vous ont accepté tout de suite ?  

VV : Je faisais de la gym avec une prof, avec une femme qui était comme moi à lever la jambe. Elle racontait à quel point les élèves étaient en détresse, que c’était vraiment des situations très difficiles d’enseignement et pour la vie des élèves.

Elle m’a dit : “Mais tu sais, je pars à la retraite l’année prochaine” et je lui ai répondu : “Oh, j’arrive !”

D’abord, on a suivi des classes de première et puis en première, les jeunes étaient très conscients de la caméra. On s’est dit non, ce n’est pas possible, donc on est redescendu en classe de seconde. Et là, bizarrement, les élèves de seconde sont moins conscients de la caméra, ils sont encore des enfants, c’est vraiment le passage entre l’adolescence et l’âge adulte. Au bout de deux minutes et demie, ils nous oubliaient.

Il y avait énormément d’élèves super intéressants, il y avait des élèves qui avaient des histoires assez dures en fait ils avaient tous des histoires dures, c’est pour ça qu’ils se retrouvent dans cette classe, dans cette situation. Nous avons privilégié de suivre ceux dont les familles ont validé le principe du tournage.

FD : Un an de tournage, c’est long…

VV : On est resté un an dans la classe, à raison de trois matinées par semaine, à peu près aux trois matinées après-midi, mais on y allait au moins trois fois. Et bien sûr une année, on a tourné 200 heures. C’était énorme. On s’est retrouvé avec des rushes, ce qu’on appelle des rushes, pendant, 200 heures de rushes, pour faire un film d’une heure et demie. Donc on avait énormément, énormément de richesse, c’était extraordinaire tout ce qu’on avait.

FD : Qu’avez-vous observé de la vie des classes pendant cette année ?

VV : Je dirais que le film est un regard sur l’état de l’Éducation nationale à l’instant T, dans un contexte assez extrême mais qui est assez général. Évidemment, il y a des lycées d’exception où les élèves sont très bons, etc. mais globalement quand même, même si dans ce contexte-là, c’est poussé à l’extrême, la situation dégradée se rencontre quand même dans beaucoup de lycées, dans beaucoup de structures, plus ou moins. Dans ces classes pro, les contextes familiaux sont trop difficiles, ils auraient besoin d’un accompagnement ou d’être mis dans une pension, ou je ne sais pas vraiment, on est dans une structure qui les sort de leur contexte familial très dur.

Il me semble qu’il faudrait vraiment repenser la façon dont ces élèves sont accompagnés. Mais ce n’est pas mon rôle, mon rôle, c’est simplement de montrer leur état, leur détresse.

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