A Saint-Denis, à la porte de Paris, se trouve un lieu particulier ouvert aux femmes confrontées aux violences.
Depuis bientôt 5 ans, Hélène Altmann est bénévole pour la Maison des femmes. Chaque semaine elle se rend sur place et donne un cours de français à celles qui ne maitrisent pas la langue. Il n’y a aucune obligation à suivre ce cours. Parfois ces femmes viennent une fois, s’éloignent avant de réapparaître des semaines ou des mois plus tard. Ou ne reviennent pas du tout.
C’est un moment de rapprochement chaleureux qui dure le temps du cours. Les yeux, les sourires et les pleurs disent l’essentiel de leur histoire.
Une exposition est née de ces rencontres furtives.
FD : Que souhaitez-vous mettre en avant à travers cette expo ?
HA : Elles ont toutes subi des violences, mais ce sont des femmes qui ont leur vie en main, qui veulent s’en sortir. Et nous, on veut les montrer déjà comme des femmes, avec des envies, des joies. Il ne s’agit pas évidemment pas de les rendre célèbres, mais plus de leur rendre hommage, de les célébrer.
FD : Qu’est-ce que tu retiens de positif de cette aventure ?
HA : De plus agréable, je dirais que c’est de rencontrer de nouvelles femmes et de jamais savoir à qui on va avoir à faire, comment elles réagissent. Et surtout, le plus agréable, c’est de se dire que, en fait, c’est elles qui nous apprennent des choses.
FD : Et le plus difficile ?
HA : Le plus difficile, c’est leur vie. De temps en temps, elles vont se confier, nous raconter leur vie. Des petites bribes ou vraiment beaucoup de choses. Et ce sont des vies tellement extraordinaires et tellement violentes que c’est toujours difficile de rentrer chez soi.
FD : On a envie d’en savoir plus sur ces femmes…
HA : Il y en a une qui s’appelle Fatima. Fatima, je l’ai rencontrée plusieurs fois, mais la première fois que je l’ai vue, c’est une marocaine qui doit avoir entre 30 et 40 ans, je me suis dit bon, elle vient du Maroc, ça va être assez facile, elle va parler français. Et en fait pas du tout. Et j’avais aucun moyen d’essayer de lui faire comprendre en anglais par des signes. Je voulais juste qu’elle me dise son nom, son prénom et très spontanément, elle m’a montré son téléphone portable et elle avait des photos et elle a fait défiler des photos. Elle me disait « Maroc, Fez, Turquie, Syrie, Bulgarie, Hongrie » et les énumérait. Dix pays. J’ai compris qu’elle les avait faits à pied, qu’elle était arrivée finalement à Paris. J’ai essayé de lui demander où elle dormait, si elle était dans un foyer. Elle répétait « Châtelet, Châtelet ». J’ai fini par comprendre qu’elle dormait au métro Châtelet depuis une semaine, donc je me suis dit, la première chose à faire, c’est qu’elle sache écrire son nom et son prénom.
Et j’ai compris qu’en fait, elle était partie du Maroc pour fuir son mari parce que son mari la battait, la frappait et que la cicatrice sur sa main, c’était son mari aussi.
FD : Comment est née l’idée de l’exposition ?
HA : A force de rencontrer des femmes à la Maison des femmes, il y avait toujours des phrases, des mots, des gestes qui me touchaient. Et je me suis mise très spontanément à écrire des posts sur Instagram pour leur rendre hommage, pour raconter ce que je faisais.
J’ai reçu pas mal de messages privés, dont celui d’une photographe qui s’appelle Sophie Day, qui était particulièrement émue par ce que j’écrivais et les petits bouts de photos que je prenais un peu au hasard là-bas. Elle m’a dit Il faut faire un livre, faut faire une exposition. J’avoue que ma première réaction, ça a été oui, bien sûr, mais je n’y croyais pas.
Elle a décidé de photographier ces femmes, leurs gestes, des attitudes. C’est un travail magnifique.
Et voilà, on y est arrivées. Une semaine d’expo en plein Paris. Les bénéfices de la vente des tirages iront à la Maison des femmes, un livre devrait voir le jour, cette aventure est incroyable pour chacune de nous.
Interview Florence Dauchez
19 avril 2023