Parent Solo, un défi de chaque instant

Nathalie de Courcy, entrepreneure.

Parent solo, un défi de chaque instant

Une famille sur 4 est monoparentale en France. Combien de femmes dans cette situation? Près de 2 millions.
22% des enfants vivant avec leur père sont considérés pauvres. 45% s’ils vivent avec leur mère. 
Oser parler est une clé pour relever la tête. L’entreprise peut aider si elle est informée.

Trois idées formulées ici par Nathalie de Courcy, ingénieure puis entrepreneure.

Interview par Florence Dauchez
Publié le 21/06/2022

FD :- Un matin vous êtes devenue maman solo, quel souvenir avez-vous de ce passage ?

AdeC : – Je me suis retrouvée seule avec les enfants, ils avaient huit ans, cinq ans et deux ans. Donc l’aîné à l’école primaire, la deuxième à la maternelle, le petit dernier à la crèche, donc trois établissements différents. Donc une course permanente pour les préparer le matin, les accompagner dans trois écoles différentes, partir au boulot en catastrophe, se maquiller dans sa voiture.

Le plus difficile dans le fait de se retrouver solo,  c’est le passage de maman en couple à maman solo. Le changement de vie que ça occasionne, de logistique, de charge mentale, décider de tout, toute seule.Élever seule, financer seule, décider seule. La charge mentale est très importante.

FD : -Pour les parents en couple, un enfant malade crée un souci d’organisation. Pour un parent solo , qu’est ce que cela représente ?

AdeC : -Je me rappelle d’un jour où j’ai vraiment, vraiment eu très peur parce que j’avais un call extrêmement important avec le global. Et un quart d’heure avant, ma nounou m’appelle et me dit : je m’en vais. Donc je ne réfléchis pas, je pars immédiatement du boulot. Et puis quelques heures après, la présidente m’appelle en me disant : mes collègues américains me disent qu’ils t’ont pas beaucoup entendu pendant le call. Et je dis : « je n’étais pas là. » Et je lui explique la situation et elle me répond la chose suivante : « mais Nathalie, tu aurais dû me le dire tout de suite, ça m’aurait évité de te faire des remarques désagréables. Ne t’inquiète pas, demain, après demain, tu vas chercher tes enfants à l’école le temps de trouver une nouvelle nounou. » Cette empathie,  je ne la soupçonnais pas.

FD :- Avez-vous observé une meilleure disposition des entreprises sur ce sujet ?

AdeC :- Les différents confinements ont beaucoup aidé parce que finalement les employeurs par écran interposé ont vu quelle était la situation de ces parents solos avec les enfants qui étaient à la maison. Moi, à chaque réunion je priais le ciel que mes enfants ne courent pas devant l’écran ou ne hurlent pas sur leurs frères ou leurs sœurs. Par la force des choses, cette situation relativement invisible a été vue, elle a marqué les esprits et je pense que ça a fait avancer les choses et qu’on ne reviendra pas en arrière.

FD : -La garde des enfants est un point central ?

AdeC : -Oui, je crois que le sujet le plus sensible, c’est la garde des enfants parce qu’on n’a pas forcément des proches à proximité. On n’a pas forcément les moyens financiers dans ces moments-là. Les aides sociales non plus. En tout cas on n’est pas forcément au courant des aides auxquelles on a droit.  Alors oui, je pense que la garde d’enfants est un sujet vraiment sensible, pour peu qu’il y ait des imprévus ça devient une source de stress et de fatigue incroyable.

FD : – Vous avez réfléchi à des solutions pratiques que l’employeur pourrait mettre en œuvre ?

AdeC : – Sur ce point les employeurs peuvent bien évidemment aider les parents solos en mettant à disposition des places préférentielles en crèche avec des tarifs plus avantageux pour les familles monoparentales. Ou encore utiliser la solution de télétravail de façon régulière ou de façon plus urgente, quand il y a une grève de transport, quand il y a une grève à l’école, quand il y a un problème à la crèche, etc. Le deuxième grand sujet serait l’aménagement du temps de travail, assouplir les temps de travail, donner plus de flexibilité aux parents solos pour qu’ils puissent concilier leurs différentes vies.

Parce que la vie d’une maman solo, c’est courir après le temps, constamment. Ça peut être aussi donner la préférence aux familles monoparentales pour le choix des vacances scolaires. Voilà, il y a pleins de choses qui peuvent être mises en place. Et le dernier point serait l’accompagnement social.

FD : – La connaissance des droits fait défaut ?

AdeC : – Absolument. Donner accès à toutes les informations sur les différents droits auxquels peut prétendre la famille monoparentale constituerait un gain énorme. Donner également accès à un expert social qui peut accompagner la maman solo dans ses démarches administratives, financières. Donner également accès à un professionnel de santé pour éviter le burn-out. Il y existe même des coaching en parentalité qui sont proposés dans certaines entreprises. Ce sont déjà de grands pas précieux qui pourraient être plus clairement fléchés.

Sur l’accompagnement social les entreprises ont un très grand rôle à jouer et c’est finalement de plus en plus légitime au regard de leur responsabilité sociétale.



Interview Florence Dauchez

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