Afghanistan, 367 jours sans école
Que redoutent les talibans pour interdire l’éducation aux filles ? Visible a rencontré Marzieh Hamidi, elle n’a pas voulu céder et renoncer au sport de compétition. La championne dépeint un pays dans une crise sans précédent à tous les niveaux. Mais les femmes restent à la pointe de la contestation.
Interview par Florence Dauchez
Publié le 20/09/2022
MH :- Quand les Talibans sont arrivés, ils ont été en état de choc en voyant à quel point les femmes avaient évolué : elles étudiaient, elles travaillaient. Ils ont dit : « Il faut interdire l’école aux femmes parce que si elles continuent, elles seront de mieux en mieux chaque jour, et nous ne pourrons plus rien faire. » Parce que se battre avec son esprit est mieux que se battre avec des Kalachnikovs ou autres choses. Je me suis dit que c’était mieux de partir et de continuer mon combat en dehors de l’Afghanistan.
En Afghanistan, les gens meurent parce qu’ils n’ont rien à manger. Il n’y a pas de travail dans les villes. Je connais beaucoup de familles où il n’y a pas d’hommes. Avant les femmes travaillaient mais elle n’en ont plus le droit sous le régime des Talibans. Elles n’ont rien. Elles n’ont pas d’argent pour acheter de la nourriture.
Quand les Talibans sont arrivés en Afghanistan, je n’ai pas pu continuer à pratiquer mon sport. Les Talibans ont dit à mon entraîneur à Kaboul : « Les filles ne peuvent pas faire de sport, si nous voyons des filles dans le club ou à la fédération, nous ferons ce que nous déciderons. » Et ils lui ont dit encore : « Vous ne pourrez jamais entraîner les filles. » Ils ont giflé les filles et leur ont ordonné de rentrer chez elles. Et maintenant elles sont juste à la maison et elles n’ont pas le droit de sortir.
Un seul appel a changé ma vie. Je suis venue ici et je continue à faire du sport. Il m’est très difficile de gérer ce qui se passe dans ma tête. Souvent, je ne me sens pas heureuse, je me dis ok, je suis vivante et je suis en sécurité. Mais je veux être championne olympique de taekwondo d’Afghanistan. Je ne sais pas si je pourrais participer à la compétition, ni sous quel drapeau. Parce que maintenant, sous le gouvernement des Talibans, ils ont leur propre drapeau merdique. Et je ne sais pas avec quel drapeau je serai, peut-être le drapeau blanc pour les réfugiés. Mais c’est très triste pour moi de participer à la compétition sans nationalité.