Mener la révolution digitale avec les femmes

Nathalie Collin, directrice générale adjointe du Groupe La Poste

On ne trouve pas de femmes dans le numérique, on ne trouve pas de femmes pour les postes de direction ? Faux, ces sujets sont d’abord une histoire de volonté.

Visible a rencontré « La boss du numérique »,  Nathalie Collin, directrice générale adjointe du Groupe La Poste et directrice générale de la branche Grand Public et Numérique qui nous livre sa vision de la responsabilité de l’entreprise sur ces thèmes de société et les challenges de transformation qu’entraine l’ère du digital. 

Son enjeu : 

Avant, partout en France, il y avait La Poste comme il y avait la boulangerie, le tabac, la mairie, l’école. Puis il y a eu l’arrivée d’internet et la fin du monopole du courrier. Amener l’entreprise à opérer sa mutation digitale, envisager les nouveaux métiers, former, veiller aux équilibres de genre et toute forme de diversité, également anticiper les services de demain qui maintiendront le lien humain historique, physique ou digital, entre la Poste, la population et ses clients, c’est ce chantier stratégique qui est entre les mains de Nathalie Collin, responsable d’une branche d’activité de 50 000 salariés. 

« J’étais consultante chez Arthur Andersen. Mais j’ai très vite bifurqué vers la musique une douzaine d’années. Et puis ensuite, je suis partie dans la presse. J’ai dirigé Libération et après j’ai dirigé le groupe Nouvel Observateur avant d’arriver à La Poste. Finalement, je suis rentrée dès le début dans cette immense vague numérique.

Et puis finalement, je n’ai pas quitté ce secteur car la presse, c’était la même problématique. Et La Poste, c’est la même problématique aussi. La Poste, c’est une grande entreprise de services publics, c’est une grande entreprise de proximité dans les territoires et c’est une grande entreprise de services au public.

Il y a 13 millions de personnes en situation d’illettrisme dans le pays. Notre rôle, c’est à la fois de faire du digital, là, on vient de lancer le timbre digital, par exemple, et de faire du tout physique et de toujours proposer l’alternative. Parce que à La Poste, on est, tout le monde est client de La Poste finalement. Donc on est utile à tout le monde.

Mais on est absolument indispensables à tous ceux qui ont besoin de faire leurs opérations en proximité, en étant accompagnés par nos chargés de clientèle dans le réseau ou par les facteurs, et en ayant une offre qui soit complètement physique. Et puis, entre les deux, on a des offres, on démarre en physique et on termine en digital. Moi, je trouve important d’apporter l’ensemble.

On vient de lancer une école de la data et de l’intelligence artificielle à laquelle je suis très attaché parce qu’il y a un déficit de compétences. Et je pense que quand il y a un déficit de compétences, c’est toujours un formidable vecteur d’intégration et de promotion sociale. Finalement, que ce soit pour des jeunes des quartiers, que ce soit pour la mixité, on aura déjà une cinquantaine de personnes à la rentrée.

Il y a une condition. Il y a une condition très simple, c’est qu’il y aura exactement autant d’hommes que de femmes.

Je n’envisage pas un monde dans lequel les algorithmes soient masculins. D’ailleurs, quand j’ai récupéré ce programme, qui est un programme sur les startups, dans les objets connectés qui s’appelle French IOT, la première année, je n’ai pas regardé. Puis la deuxième, j’intervenais justement sur les femmes à Las Vegas et je me suis dit : « tiens, mais au fait, il y en a combien des femmes de Chaillot ? »

S’il y en avait quinze, franchement, je n’avais pas vu, sinon j’aurais essayé de corriger. J’ai donné trois ans. J’ai dit l’an prochain, il y en aura 30. L’année suivante, il y en aura 40 et après on sera à la parité. Tout le monde m’a dit : « ce n’est pas possible. En fait, c’était possible. Il suffit de le décider »

On ne peut pas d’un coup dire voilà, vous êtes éliminée. Donc on a prévenu les hommes aussi. On leur a dit, faîtes des entreprises qui soient mixtes, et puis sont venues à nous des tas d’entreprises dirigées par des femmes. Maintenant, on n’a plus aucun problème à avoir une vraie mixité sur le sujet. Donc il y a quand même une attitude volontariste.

Tout le monde le dit, les femmes, on ne les trouve pas. Ça peut être vrai à certains moments. Je suis plus d’accord avec ça. Je trouve qu’on les trouve. Moi, j’avais commencé une conférence comme ça, j’étais arrivée ventre à terre, on remettait le prix de business ou attitude avec le Figaro et j’étais très fort. Il y a beaucoup d’embouteillages, j’étais très en retard et donc je ne savais plus du tout ce qu’il fallait que je leur dise.

Et je leur ai dit : « vous savez, vous allez toujours être critiquée. On va vous trouver trop grande, trop petite, trop maigre, trop grosse. On va trop vous dire « vous vous occupez beaucoup trop de vos enfants. Franchement, vous les étouffez ou vous ne faites pas du tout assez. Vous êtes une très très mauvaise mère ou bien comme vous n’avez pas beaucoup d’autorité, vous êtes très très dure, vraiment au bureau ou bien vous êtes vraiment une chiffe molle.

Vous êtes absolument incapable de diriger tout ça et moi je le dis tel quel, il faut vraiment s’en moquer parce que ce n’est qu’une pression sociale pour empêcher les femmes d’accéder à des responsabilités. Et puis, il faut que les femmes qui veulent accéder aux responsabilités cessent de penser qu’elles n’en sont pas capables. Et le numérique étant ce qui va construire le monde de demain, je pense absolument vital qu’on le construise plus égalitaire, plus paritaire.

Et puis, avec plus de diversité aussi. »

Interview Florence Dauchez

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