Passion presse libre

Pauline Adès Mevel, journaliste.

Passion presse libre

La liberté d’information est le fondement de toute démocratie. Pourtant, près de la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à une information libre. Depuis 37 ans, Reporters Sans Frontières se bat à travers le monde pour que les journalistes soient libres de rapporter les faits, de dénoncer des abus et d’interpeller la conscience générale. Pauline Adès Mevel, rédactrice-en-chef et porte-parole de RSF, témoigne de cet engagement.

Interview par Florence Dauchez
Publié le 31 mars 2022

« Il est arrivé que j’ai peur. J’ai toujours voyagé et pratiquement toujours voyagé seule. Et je pense que bien souvent, ma venue était connue. Je pense que je représente une organisation mondiale qui est connue, qui dérange. On ne fait pas qu’informer, sensibiliser, on dérange. On a l’habitude de dire qu’on est le caillou dans la chaussure et ils savent qu’on ne s’arrête pas.

Je pense que le journalisme vit une nouvelle ère et donc il faut défendre les médias de qualité. Il faut défendre les journalistes courageux, de par le monde. Mais aussi en France. J’ai voulu me mettre au service de ces journalistes et les aider à exercer. Des journalistes viennent tirer la sonnette d’alarme et nous dire : je ne peux plus, je vais être assassiné, je suis en danger. J’ai besoin d’une solution extrême. La première chose à faire, c’est de vérifier un maximum d’informations, d’essayer de voir d’où vient le danger. Ensuite, il faut trouver des solutions extrêmement rapidement, trouver des lieux pour les héberger, pour les mettre à l’abri, pour les mettre au vert. Trouver des solutions de financement, une aide légale et également alerter parce qu’il y a un gros travail de sensibilisation qui est fait par RSF, qui consiste à aller sensibiliser les institutions internationales, mais aussi s’adresseraux dirigeants des pays en question en leur disant : vous devez apporter une protection policière à ce journaliste, vous êtes responsable de l’intégrité physique de tel ou tel journaliste qui travaille dans tel média. La plupart du temps, les recommandations que j’adresse restent lettre morte. Mais il arrive qu’à force de persévérance on obtienne gain de cause. Par exemple, ça s’est produit en Bulgarie ou en Serbie. Je n’ai jamais cessé d’envoyer des courriers pour obtenir des rendez-vous avec le Premier ministre bulgare. Et au bout de quatre ans, j’ai obtenu gain de cause.

J’ai d’abord eu un premier rendez-vous avec le secrétaire général de RSF et le président de Bulgarie pour expliquer la situation des journalistes bulgares. Le cas de la Biélorussie est particulièrement sensible. En fait, depuis le 9 août 2020, c’est à dire le jour où le président Loukachenko a été réélu. La situation des journalistes est absolument terrible. Ils sont tabassés et interpellés, arrêtés, conduits en prison les uns après les autres. On ne pouvait même pas imaginer que la Biélorussie mettrait des mesures aussi terribles à exécution, c’est-à-dire qu’elle arrêterait un journaliste, Roman Protassevitch en plein vol au-dessus du Bélarus, en détournant un avion. C’est incroyable et probablement, c’est inédit. Et franchement, on ne pouvait pas l’imaginer. On n’a pas perdu de temps on a mis tous les moyens, on a rassemblé toutes les énergies à RSF pour se rendre à la frontière et pour montrer de l’autre côté de la barrière ce qui se passe c’est-à-dire derrière un grillage en fait, qu’il y a des dizaines et des dizaines de journalistes qui sont incarcérés. C’est très important de renvoyer ce message parce que ça leur donne du courage. Ça leur montre qu’ils ne sont pas oubliés et que, à la porte de ce grillage, c’est l’Europe. Et donc l’Europe est là. Elle, sanctionne le Bélarus toutes les semaines et donc ce pays n’est pas oublié. Ces journalistes ne sont pas oubliés.

C’est un job où il faut être disponible, c’est un job il faut une vocation, il faut l’envie. Il faut croire en ce qu’on fait. Il suffit de voir le journaliste qui sort de prison, le journaliste qui est acquitté et de se dire voilà, j’ai contribué à faire en sorte que cette personne ait une vie professionnelle et une vie personnelle normale et supportable. »

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