« Ce podium paralympique je m’y vois ».
Pauline Déroulède
En 2024, Paris lancera les Jeux Paralympiques. La France peut compter sur le talent et la détermination de Pauline Déroulède, championne de France 2021 de tennis fauteuil, pour se hisser sur le podium. Visible a rencontré la joueuse professionnelle.
Interview par Florence Dauchez
Publié le 30 novembre 2021
« J’ai du mal à m’expliquer ce qui s’est passé dans ma tête quand j’ai dit à mon entourage : je veux faire les Jeux paralympiques. Je pense que tout est allé très vite, portée par l’adrénaline du choc. Le 27 octobre 2018, j’ai eu un accident à scooter. J’étais à l’arrêt, je patientais, garée sur le côté. C’était le mauvais endroit et le mauvais moment. Soudain je me suis retrouvée projetée sur le sol.
Dans cet accident, j’ai perdu ma jambe gauche. En ouvrant les yeux de nouveau après un trou noir, c’est vrai qu’à ce moment-là, j’ai compris tout de suite que la vie que j’avais eue avant était terminée, que j’allais devoir changer pas mal de choses pour pouvoir m’en sortir.
Quelques heures après l’accident, en salle de réveil, j’ai annoncé à mes proches que je voulais faire les Jeux paralympiques.
Quelques heures après l’accident, en salle de réveil, j’ai annoncé à mes proches que je voulais faire les Jeux paralympiques, sans savoir dans quelle discipline, même si, bien sûr, j’avais déjà en tête le tennis puisque ça a toujours été mon sport.
J’avais besoin de me fixer un objectif très ambitieux, aussi de rassurer ma famille, de lui dire que j’allais rebondir grâce au sport. On a le miroir de ce que pense notre entourage. Je voyais ma famille, ma copine, très inquiets et tristes. J’avais peut-être besoin de compenser cette ambiance pesante avec quelque chose de plus positif. Après, quand j’étais plus « down », ce sont eux qui me renvoyaient de la bonne énergie. A la suite de cet accident, on peut le dire, ça a été vraiment les montagnes russes mais à ce moment précis, en salle de réveil, j’étais d’abord très heureuse d’être en vie.
Oui, Il y a eu plein de moments où j’ai été heureuse à nouveau.
Le premier, évidemment, ce sont mes premiers pas quatre mois après l’accident, le 27 février 2019. C’est le début de la revanche sur la vie, je me tiens à nouveau debout ! J’avais la chance de pouvoir être debout à nouveau grâce à une prothèse. J’étais avec ma compagne Typhaine, on a partagé ce moment ensemble. Être debout, c’était une nouvelle façon d’être en vie et d’être dans mon élément, puisque j’allais pouvoir à nouveau être dans l’action et ne plus subir en étant allongée dans un lit. Et voilà, le début de la nouvelle vie démarre. Marcher, c’est la vie. On ne s’en rend pas compte parce que c’est censé être inné.
Une journée type de Pauline est très, très remplie. Il y a deux journées en une. Je commence le matin, je fais entre 2 et 4h de tennis par jour, 2h de physique, c’est un sport qui demande beaucoup au haut du corps. A la fin de la journée d’entraînement, je bascule dans un autre de mes combats qui est celui de la sécurité routière. Mon engagement pour la sécurité routière, il a vraiment démarré à cause des circonstances de mon accident : il s’agissait d’un conducteur très âgé, plus de 90 ans, qui a perdu le contrôle de sa voiture. J’ai réalisé qu’en France, jusqu’à notre mort, on peut conduire sans aucun contrôle au cours de la vie.
En France, jusqu’à notre mort sans aucun contrôle au cours de la vie.
J’ai voulu mener ce combat parce que je me suis aperçue que je n’étais pas la seule dans cette situation, et qu’il y a beaucoup d’accidents qui pourraient être évités. J’ai donc interpellé le gouvernement pour qu’en France soit mis en place un test d’aptitude à la conduite pour tous les conducteurs, pas uniquement les seniors, il y a aussi des gens pas très âgés qui ont des faiblesses, des maladies qui les diminuent. Il faut contrôler tout le monde avec une fréquence spécifique selon l’âge.
Je ne pardonne pas, c’est difficile de pardonner.
Je parle souvent du responsable de mon accident, j’ai eu l’occasion de le rencontrer parce que c’était très important pour moi d’avoir sa version à lui. On parle souvent des victimes mais personne n’a envie d’être à la place du responsable d’un accident. Le pardon, c’est très compliqué pour moi, de base. Non, je ne pardonne pas, je ne pardonne pas. C’est difficile de pardonner, j’en suis déjà encore au stade d’accepter, au stade de l’acceptation. Je ne sais pas si je pardonnerai un jour à ce conducteur qui savait qu’il n’était plus capable de conduire, qui a malgré tout pris son volant. Je ne sais pas…
Est ce que ça m’empêchera d’avancer ? Pour l’instant, ça ne m’empêche pas d’avancer, au contraire.
Je pense que, clairement, je serai en paix quand ce projet de loi sera passé.
Ce podium paralympique, je m’y vois.
Je ne sais pas si je dois dire ça ! Bien sûr que je rêve de ce podium paralympique, je m’y vois. Il faut se projeter, ça fait partie des techniques de visualisation, sinon on ne réussit pas. Je sais qu’avant y aura différentes étapes des mini objectifs dans l’objectif immense. Je sais pourquoi je le fais, je sais pourquoi je me lève le matin. J’ai cette hargne de vouloir réussir, de vouloir gagner parce que je n’aime pas perdre, je veux aller le plus loin possible ».