La perfection, et si on déconstruisait ?
C’est l’un des podcast qui cartonne actuellement. Frootch, signé Sarah Treille-Stefani qui met en scène l’hypersensibilité, le doute et les fragilités sans fausse pudeur et avec plein d’humour. Elle a reçu le prix de la meilleure fiction podcast.
Interview par Cindy Suchareau
Publié le 11/07/2022
Elle s’appelle Sarah Treille-Stefani, elle est comédienne, autrice et réalisatrice de Frootch, un podcast qui parle d’elle, de ses doutes réels dans des situations inventées.
CS :- Tu te définis comme timide mais tu as osé te mettre en scène. Qu’est-ce qui a été le déclencheur pour créer ce podcast ?
STS :- J’ai tellement tendance à douter que quand ça vibre, je sais que quand j’ai une idée et quand ça bouillonne à l’intérieur de moi, il faut que j’y aille à fond. Mais avant, j’avais tendance à demander à la terre entière : « vous pensez que c’est une bonne idée ? Vous pensez que c’est bien ? Est-ce que je peux me prendre la honte ?
Quand vous sentez que ça gronde en vous, que vous avez la dalle de faire un projet, de faire quelque chose, même si sur le papier, ça a l’air nul à chier, mais si vous avez l’envie de faire, alors c’est que c’est possible et qu’il faut y aller.
CS :- Alors, que raconte Frootch ?
STS:- C’est un podcast, c’est une fiction qui parle d’une jeune fille timide, gauche, hypersensible, qui a du mal à se faire une place dans le monde artistique qu’elle convoite tant, mais aussi dans le monde tout court. Et du coup, elle décide pour ne plus souffrir seule de ce quotidien un peu pesant pour elle de mettre un micro sur elle et de tout enregistrer.
Dans ce podcast, il n’y a pas de texte, c’est que de l’improvisation. Tout est extrêmement balisé, on sait toutes les actions clés. Dans un souci d’authenticité et parce que quand je prends les comédiens et comédiennes, quand je les choisis, je veux vraiment que ce soit eux à 80 %, que ce soit leurs mots, que ce soit leurs réactions ou leurs émotions qui soient mises au service du récit, du canevas qu’on a créé. Ça paraît très réel et aussi parce que c’est inspiré de ma vie.
CS : C’est toi mais pas tout à fait toi ?
STS :- Pour être tout à fait honnête, il me semble que c’est inspiré à 20-30%. Il y a quand même toute ma famille qui joue dedans. Je pars de mon caractère hypersensible, timide, et après je pousse les situations, je pousse les curseurs au maximum pour que justement ça soit cringe au possible.
Ce que j’adore, je m’en suis rendu compte via Frootch, c’est créer des héroïnes qui sont vraiment à côté de la plaque, mais pas qui sont, qui sont teubées et faibles mais qui brillent par leurs aspérités, par leurs faiblesses en fait. Mais voilà, j’ai envie de dire que tout le monde a sa place dans les fictions et de pousser un peu de côté les meufs et dire que même celles qui ne brillent pas ont des choses à dire et des choses à défendre. Et voilà leur ériger, leur construire un petit peu une sorte de d’estrade pour ces femmes-là aussi. C’est aussi ça Frootch, ce pourquoi j’ai voulu faire Frootch, c’est pour aller à l inverse de cette société et même au sein de l’entreprise, du monde professionnel où on nous dit : il faut être courageux, faut pas avoir de doute, faut oser.
CS : – Il y a donc une message ?
STS :- Il faut être sûr de soi, mais de partout. Mais même dans ce truc du développement personnel, on nous apprend à être, comme le dit si bien Blanche Gardin : « la meilleure version de soi-même ». On est tous pleins de doutes, mais qu’on nous façonne à ne pas l’être. Et donc les femmes ont tendance à plus les montrer parce qu’elles sont plus dans la communication.
On leur a appris à être plus dans la communication.
CS :- Frootch décliné au masculin, qu’est-ce que tu vois ?
STS :- Frootch du côté masculin, en fait, ça réinterrogerait ce qu’est la masculinité et la virilité aujourd’hui. Et je pense que ça parlerait des faiblesses d’un homme, d’un garçon et que ça le déconstruirait à fond. Oui, il n’y a pas eu encore de fiction sur ce sujet où on a beaucoup déconstruit les hommes alors que ce ne sont pas des robots non plus. Voilà, Frootch ce serait un mec pas infaillible, plein d’aspérités, de faiblesses,… Et ça serait peut-être encore plus intéressant que ce personnage féminin qui accepte de montrer sa vulnérabilité parce que c’est rare les hommes qui montrent leur fragilité.